LAFRIMBOLLE
Dimanche19 novembre 44
Ouvrir une brèche vers l’Alsace
Le 19 novembre, au lever du jour, le sous-groupement Morel-Deville, du groupe tactique Rémy, se heurte aux Alpenjäger en train d’installer un barrage de troncs de sapins près de la ferme Saint-Michel à Lafrimbolle.
Le sous-groupement Massu prend la relève.
Un fermier avait entendu des officiers allemands installés dans sa cave dire qu’ils n’avaient pas pu miner le secteur du carrefour où se trouvait le barrage, faute de mines.
Le commandant Massu, informé, lance son infanterie à travers les bois, contournant le barrage, faisant 40 prisonniers et démantelant une autre barricade dressée devant la ferme de la Cense-Manée : la route de Dabo est ouverte.
Composition du S/groupement MASSU
(La Frimbolle-Dabo-Obersteigen)
Chef Lt-Col MASSU
Adjoints : Cne MOLLOT du RMT
Cne LUCIEN du RBFM
Compagnie hors rang du 2e Bataillon : Cne de la Simone
Compagnie d’accompagnement du 2e Bataillon: Cne Eggenspiller
5ème compagnie de combat aux ordres du Cne Rogier
6ème compagnie de combat aux ordres du Lt Renaud
2ème escadron du 12e RCA aux ordres du capitaine de Vandières
Peloton de spahis du 1er RMSM aux ordres du Lt Rouxel (3ePon du 2e Escadron)
Peloton de Tank-Destroyers du RBFM aux ordres du EV Durville
Section de sapeurs du 13e génie de Chollet
DL du cne Ramières, cdt la 3e Batterie du 40 RANA
La 2e DB – Général Leclerc – combats et combattants – En FRANCE
(Extrait)
Le 19 au matin, le Général est à Cirey.
Quelques efforts sont encore nécessaires, mais la porte est déjà plus qu’entr’ouverte.
L’ennemi décroche sur tout le front du Corps, abandonne la Vor-Vogesenstellung pour garnir la ligne des Vosges.
Il faut à tout prix maintenant le prendre de vitesse : l’instant approche pour lequel tout jusque-là a été mis en œuvre, le difficile moment du lâcher.
Quelques semaines auparavant, devant la carte, devant le problème que posait la trouée de Saverne fortement fortifiée, la main du Général avait esquissé un double mouvement.
Surprendre l’ennemi par des itinéraires de montagne au nord et au sud.
Au sud, c’était la route de Dabo. Non pas cependant telle qu’elle part de Sarrebourg, mais rejointe à son dernier tronçon devant Hazelbourg.
La première partie du trajet sera faite par des chemins secondaires qui déploient leurs longues épingles à cheveux en pleine forêt, au plus près de la montagne. Lafrimbolle, Saint-Quirin, Lautenbach, Walscheid, Sitifort.
Cet itinéraire sera doublé au nord par Bertrambois, Niederhoff, Voyer, Hartzviller, Trois-Fontaines.
Le colonel de Langlade doit y lancer ses deux sous-groupements, Massu et Minjonnet.
Au nord, après avoir franchi le canal, il faut éviter Sarrebourg, le déborder, puis passer la Sarre.
De là quelqu’un partira droit sur Phalsbourg, face au centre du système boche : ce sera Quiliquini.
L’autre sous-groupement du colonel Dio, aux ordres de Rouvillois, devra déborder largement au nord.
Massu, Minjonnet, Quiliquini, Rouvillois. Itinéraires D,C,B et A. Chacun a longuement étudié son affaire.
Chacun a disposé ses colonnes. Chacun suit au plus près. Chacun attend son signal.
Donné trop tôt, ce signal, c’est la meute arrêtée aussitôt découplée par un obstacle trop dur, après lequel elle ne rattrapera pas sa lancée.
Trop tard, elle ne saisira plus cet instant fugitif où l’ennemi perd sa balance, où la violence et la vitesse prennent soudain tous les droits.
De Cirey donc le Général, qui a donné pour A et B des ordres sur lesquels nous reviendrons plus tard, fait reconnaître les amorces de D et de C par Morel-Deville et par Da.
A midi, ce dernier livre passage à Bertrambois au colonel Minjonnet : celui-ci se battra pendant deux jours à Niederhoff, à Quatre-Vents et à Voyer contre un adversaire résolu, appuyé d’une dizaine de chars.
Fixé aussi fort de front, le boche, qui avait son P.C. à Hartzviller, n’aura plus la liberté d’esprit nécessaire pour déceler la manœuvre de Massu sur sa gauche, puis sur ses arrières, ni pour y faire face.
Bien peu en restera.
Sur l’itinéraire D, Morel-Deville reconnaît à Saint-Michel un important système défensif.
La vallée de la Sarre blanche est barrée sur toute sa largeur par un obstacle antichars continu, à hauteur duquel a pris position le bataillon de chasseurs arrivé trop tard à Badonviller.
Cette fois les Jäger sont en place, beaucoup d’entre eux juchés dans les arbres.
La charge
« Ça va, le Général a lâché Massu. » C’était le lendemain, vers 10 heures, la remarque laconique d’un vieux sous-officier du Tchad qui avait la prétention (justifiée) d’en remontrer à l’Etat-Major.
Le 19 au soir, rameuté à son tour, Massu avait jaugé l’obstacle.
Conduits par Morel-Deville, sa grande silhouette, ses traits un peu fermés, avares de paroles (son travail se fait en dedans), avaient remonté la colonne. Le feu s’était fait de plus en plus nourri.
A l’A.M. de tête son adjoint, le capitaine Lucien, avait été touché.
La barrière ne pouvait décidément être abordée de front. Une attaque en règle était montée le 20 au matin.
Appuyées par toute l’artillerie du groupement, deux compagnies entières manœuvreront en passant à travers bois pour rejoindre la route 2 kilomètres plus loin, au pont même de la Sarre.
La tâche est dure et les Jäger coriaces.
Mais, pendant que le canon donne à plein, lesfantassins du Tchad y vont avec leur activité et leur résolution coutumières : la machine est bien rodée, peu d’ordre sont nécessaires; les Jäger et leur bel équipement tombent par paquets, puis se disloquent. A 9 h. 30 la route est ouverte. La colonne s’y engouffre.
P.C. LECLERC
Dimanche, 19 novembre 1944 • Cirey
La prise de Badonviller a ouvert la route de Cirey dont Morel-Deville s’est emparé hier. Nous y arrivons ce matin et y trouvons Guillebon. Le Général passe la matinée avec lui. Il est très énervé et nous avons une discussion assez pénible. Le P.C.A. nous rejoint et s’installe dans le château.
Dans l’après-midi, nous allons à Blamont.
Le soir, colloque devant les cartes. Le Général les étudie longuement, jambes écartées, la main gauche dans sa poche, deux doigts de la main droite sur sa bouche. Il gonfle les joues, souffle lentement sur ses doigts repliés.
Notre avance a disloqué le dispositif de l’ennemi qui se replie surtout le front du Corps d’armée. La suite dépend de ce tête-à-tête. Le Général est fatigué et détendu. Il me demande, avec ce regard affectueux des moments de répit, si je ne lui en veux pas de son algarade de ce matin… Grands dieux non ! Quelle tension il supporte ! il est extraordinaire à voir dans le feu de l’action. Rien d’étonnant à ce qu’il ne soit pas toujours commode.
Lundi 20 novembre 1944 – Cirey
Massu est lancé à droite, Minjonnet à gauche. Le Général ne peut plus rien qu’attendre les résultats pour apprécier la décision à prendre.
C’est l’opération du GTV sur Badonviller et Cirey qui a été déterminante. Elle a coûté cher. La Horie, Mazières et 300 types hors de combat. Mais l’ennemi a été surpris. Il ne s’attendait pas à ce que des éléments blindés empruntent cet itinéraire impossible. La charge sur Cirey a achevé de le désorganiser.
Belfort est tombé ce matin et du Vigier est sur le Rhin. Le général Devers, commandant du Groupe d’armées nous l’a appris en venant nous voir cet après-midi au P.C. avant.
Au cours de l’avance d’hier, un de nos hommes va rendre visite à des jésuites quelque part dans la région de Cirey. Dans le jardin, il aperçoit quatre canons de 88. Il les considère avec intérêt. Deux jésuites sortent de la maison. Tous trois se congratulent, puis notre aumônier est repris par sa contemplation
Beaux canons…
Oui, n’est-ce pas.
Mais, où sont donc les servants ?
Les servants ? Ah, ils sont là… oui… dans la cave…
Notre ami opère une prompte retraite, encore précipitée par l’apparition des dits-servants qui ouvrent le feu sur la silhouette heureusement
éloignée.
Une histoire analogue est arrivée à un autre garçon qui, après avoir vu plusieurs pièces abandonnées, en aperçoit une autre isolée sur sa droite. N’ayant rien de spécial à faire à cet instant précis, il se dirige vers la pièce pour voir s’il n’y aurait pas par hasard quelque chose d’intéressant à glaner à l’entour. En approchant, il constata qu’il y avait pas mal de choses intéressantes à côté, notamment les servants qui le reçurent sans aucune courtoisie… Lui aussi en fut quitte pour la peur.
Le colonel Repiton est allé hier à Nancy parler au peuple, en faveur de l’emprunt. Il nous décrit avec son sens aigu de l’anecdote, les discours de certains notables, avec trémolos, silences, main sur le cœur, etc.. Le Général est toujours enchanté d’apprendre à quel point il a pu être autrefois aidé par Pierre ou par Paul sans s’en être jamais aperçu.
Mardi 21 novembre 1944 – Cirey
9 h. La prise inattendue de Badonviller risque d’avoir des conséquences considérables. Le Général l’a vu tout de suite et je tire mon chapeau, une fois de plus, au coup de poker qu’il semble être en train de réussir. La trouée de Sa-verne est fortement défendue, mais sur ses axes de pénétration normale, sur les itinéraires chrétiens.
Maître de Badonviller, le Général a aussitôt poussé Guillebon sur Cirey, très à droite du dispositif allié déjà en place aux pieds des Vosges. Et de là, pendant que la 44e et la 79e DI américaines s’attaquaient le long de la vallée aux lignes de défense classiques des Allemands, il a lancé Massu, choisi intiiitupersonne, sur un itinéraire fou. Il l’a enfoncé en pleine montagne, le long d’une route étroite et sinueuse, dans le dos des Boches qui ferment la vallée.
Résultat : hier les half-tracks de queue de Massu faisaient du 60 à l’heure sur cette piste insensée et ne parvenaient pas à rejoindre la colonne. Les barricades et les réseaux de barbelés allemands étaient disposés de chaque côté de la route, prêts à être mis en place, mais prêts seulement… Les chars de Massu sont tombés sur des colonnes d’artillerie qui retraitaient bien tranquillement par cet itinéraire apparemment sûr. Ce fut une débandade affolée, canons et attelages renversés dans les fossés, mêlés aux ennemis hagards qui n’avaient pu fuira toutes jambes à travers les pentes boisées. Les chars écrasaient tout, hommes et matériel, et sur ce tapis laminé par les chenilles, les voitures qui suivaient roulaient à 60 à l’heure. A la tombée de la nuit, Massu était arrivé au carrefour nord de Dabo, à dix kilomètres à peine de la sortie de la forêt, à dix kilomètres à peine de la plaine d’Alsace. Il n’était même plus à portée de radio.
En pleine nuit, Guillebon est lancé sur ses traces, pour occuper cet itinéraire car l’ennemi, devant Minjonnet, ne sait pas encore quelle débandade vient d’avoir lieu dans son dos.
Hier soir, en apprenant la charge de Massu, le Général ne tenait plus en place. Si nos éléments atteignent la plaine à midi, c’est la ruée sur Strasbourg. Le Général commentait hier soir avec mélancolie :
C’est La Horie à Badonviller qui a été la pierre d’achoppement de tout.
Après la prise de Badonviller et les combats des carrières de Bremenil, les Allemands décrochent.
Le 19 novembre au matin, Cirey-sur-Vezoule est conquis par les spahis du RMSM qui bousculent quelques éléments légers d’arrière-garde.
La 3e compagnie du 501e RCC commandée par le capitaine Branet rejoint ce gros bourg dans l’après-midi.
Le matériel est remis en état le lendemain.
Le colonel Debray prend le commandement du sous-groupement en remplacement du colonel de La Horie, tué aux carrières de Bremenil.
Durant la journée nous entendons le canon en direction du massif vosgien.
Les combats sont brefs mais violents.
C’est le sous-groupement Massu qui ouvre la voie vers l’Alsace en progressant sur les petites routes de montagne.
L’artillerie divisionnaire intervient efficacement sur les positions fortement tenues.
L’ennemi commence à abandonner ses lignes de défense vosgiennes.
Les automitrailleuses et les chars de Massu trouvent devant eux d’importants éléments d’artillerie hippomobiles de gros calibre ( 105 et 155 ) qui sont doublés et bousculés par les chars dans les ravins très abrupts.
Les prisonniers ne sont pris en charge par personne !
Il faut avancer rapidement, peu importe les fuyards qui ont abandonné leurs armes.
Nous emboîtons le pas, le 21 à l’aube.
La progression des chars n’est pas facile ; les routes sont sinueuses et étroites.
Nous rencontrons de nombreux véhicules hippomobiles sur les bas-côtés sans leurs chevaux et de nombreux cadavres de part et d’autre de la route.
Nous traversons entre autre Lafrimbolle, Saint-Quirin, Abreschwiller, Walscheid, Dabo et Obersteigen, premier village alsacien, pour arriver, épuisés, à la tombée de la nuit à Birkenwald.
Le général Leclerc s’installe au château et nous dans quelques granges du village.
Le 22, regroupement dans la plaine aux environs de Marmoutier ;
Le 23 au matin, les ordres sont donnés : par cinq itinéraires différents, il faut s’emparer de Strasbourg, du pont de Kehl et le passer si possible !
Biographie de l’Aspirant Christen-Marcel
2ème DIVISION BLINDEE
501ème Régiment de chars de combat
3ème Compagnie de combat
3ème SECTION
Extrait de : https://2db.forumactif.com/t2454-lafrimbole-moselle?highlight=Lafrimbole
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