Novembre, Décembre 1944 – Janvier 1945
Bien que libérée par la 2ème DB le 1er décembre 1944, la ville fut détruite en grande partie lors de la contre-offensive allemande en janvier 1945 après que la population ait été évacuée le 14 janvier.
Bombardée sans jamais être reprise, Benfeld fut anéantie à 40 % quand les troupes allemandes quittèrent le secteur.
Situé sur le parvis de l’Eglise St Laurent, le monument commémore ce fait historique.
La ville de Benfeld est décorée en 1949 de la Croix de guerre 39/45.
14 décembre 1944: sur la route de Witternheim à Binderheim, un Sherman appuyant un groupe de fantassins (Collection Colonel Dehen Photo S.C.A.)
Décembre 1944 : Préparation d’un char léger « Stuart » M3
501e R.C.C.
JÔURNAL d€S MARCHES et ÔPERATIONS
de la 3e Compagnie du 501e R.C.C.
du Capitaine de BOISSIEU
Situation générale –
Après la Libération de Strasbourg, dès le 24 Novembre 44, les Allemands essaient de reconstituer un front au sud de la ville, à hauteur d’ERSTEIN et de KRAFT, en utilisant les coupures de l°Ill et du canal du Rhône au Rhin.
29 Novembre 1944 –
le G.T.D parvient à libérer deux villages le long du Rhin : GERSHEIM et OBENHEIM tandis que le Sous-groupement DIDELOT s’empare d’ERSTEIN et le G.T.R. libère BENFELD et SAND, puis pousse un Sous-groupement jusqu’à EBERSHEIM, en direction de SELESTAT où il est rejoint par les avant-gardes de la 36e DI US.
L”lll est en crue, la région inondée, le terrain détrempé. Les chars sont liés aux routes et aux chemins où les attendent les antichars et les mines.
La manœuvre en tout-terrain sera impossible jusqu’aux premières gelées.
02 Décembre 1944 –
la 3e Cie est cantonnée à KERTZFELD, petit village à l'()uest de BENFELD.
Le Capitaine BRANET, appelé à l’E.M. de la 2e D.B., transmet son commandement au Capitaine de BOISSIEU, son ancien compagnon de captivé et d’évasion d’Allemagne, qui, lui, a quitté le commandement de l’escadron de protection du Général LECLERC dissous.
Prise d’armes et défilé.
13 Décembre 1944 –
Ordre parvient de libérer WITTERNHEIM (8l<m sud de BENFELD), et de pousser sur BINDERNHEIM, 4km plus loin.
Le Sous-groupement DEBRAY est organisé en deux détachements :
Le 1er, commandé par le Capitaine de BØISSIEU, commandant la 3e Cie, comprend la section DAVREUX, avec les chars Chemin-Des-Dames, La Malmaison, Uskub et Villers-Cotterets, le Groupe Franc, avec l’Aspirant de LA FGUCHARDIERE.
La section CHRISTEN est placée en réserve jusque soit atteinte la route de WITTERNHEIM.
Le 2e détachement placé sous les ordres du Lieutenant DEHEN (en l’absence du Capitaine DRONNE, comprend la section HUOT avec les chars Francheville, Mort-Homme II, Douaumont,
la 9e Cie du R.M.T et la 3e section de la 3/13e Génie.
Mission pour le détachement de BOISSIEU
Manoeuvrer en direction de NEUNKIRCH pour se rabattre ensuite sur WITTERNHEIM dès que le détachement DEHEN aura réussi à dégager la route de ROSSFELD à WITTERNHEIM, minée et obstruée par de nombreuses mines.
WITTERNHEIM est libérée en fin de journée.
501e R.C.C.
Souvenirs de Michel PHILIPPON, radio-chargeur sur le Montereau II
Singrist s’étire sur près de deux kilomètres entre des bois de conifères et la plaine.
Premier village avant les 35km de la plaine d’Alsace qui séparent de Strasbourg.
A la sortie Est, sur ordre du capitaine, la section MICHARD se met en place avec une section d’infanterie.
Le Montereau II est en pointe.
Les postes de garde restent aux aguets.
A peine avons entamé notre repas, qu’on entend : « Tous en char ».
Une voiture arrive, en descendent des officiers allemands en plein désarroi. Ils sont faits prisonniers.
Puis se présente une deuxième voiture, phares allumés. Montereau II lui envoie un perforant dans le moteur.
En descendent des Allemands stupéfaits avec… une femme !
Au cours d’une intervention, une rafale d’arme automatique passe entre les jambes du capitaine.
Le 23 novembre, au petit jour, par un froid humide et pénétrant, nous filons sur Strasbourg par Ittenheim et Achenheim.
Vers 10 heures, nous nous trouvons à proximité du Fort Kléber et commence l’échange de coups.
Le Montereau II tire de toutes ses armes, sous l’œil d’un cameraman du SCA qui se trouve à côté du char.
Par radio, l’ordre nous est donné d’abandonner le Fort Kléber et de continuer rapidement la progression, sans nous occuper des ennemis laissés derrière et dont s’occupera l’infanterie.
Au loin, émergeant du brouillard, nous apercevons la cathédrale de Strasbourg : un véritable emblème.
Nous traversons la ville. Des snipers nous tirent parfois dessus, mais nous ne pouvons riposter de crainte de mettre le feu aux toitures des maisons qui sont couvertes de tuiles en bois.
A un certain moment, nous tombons sur un entrepôt de la Wehrmacht dont nous distribuons les réserves à la population.
A Strasbourg-Neudorf, nous logeons au rez-de-chaussée vide d’un immeuble où nous faisons la connaissance d’une famille nombreuse, d’Italiens, très accueillants, mais véritablement affolés par les tirs d’artillerie auxquels nous sommes tout à fait accoutumés.
Le 25 novembre, j’écris à mon oncle au sujet de la mort de son fils Claude.
Plus tard, j’apprendrai qu’il avait déjà reçu l’avis officiel et avait même écrit au capitaine.
Dans une famille qui nous hébergeait à Illkirch-Graffenstaden, il y avait la photo en uniforme d’un fils enrôlé de force dans la Wehrmacht et qui se trouvait sur le front russe.
La 1e section prend position au point d’appui de Benfeld, sur les bords de l’Ill.
Il s’agit d’empêcher les patrouilles ennemies de traverser la rivière.
Les chars sont répartis, mais difficilement camouflés aux vues des Allemands dont l’artillerie nous arrose copieusement, au point qu’il nous est difficile de manger et de boire chaud ; et il continue à faire très froid.
La garde est fort pénible, au point que le lieutenant MICHARD estime nécessaire d’en ramener le temps à une heure.
D’ailleurs, il prend son tour comme ses soldats.
En cette période de l’année, le petit gibier est abondant et, chaque nuit, nous entendons craquer des brindilles et des feuilles mortes qui font croire à l’irruption d’éléments ennemis.
En outre, en raison du froid, il est nécessaire de faire tourner les moteurs, ce qui, chaque fois, déclenche un tir d’artillerie.
Une nuit, alors que j’étais de garde, s’est déclenché un tir exceptionnellement violent et je redoutais l’arrivée d’une patrouille qu’évidemment je n’aurais pu entendre arriver. Le tir s’est arrêté. Rien.
Mais le lieutenant est venu et m’a demandé si tout allait bien.
Probablement, avait-il la même appréhension que moi.
Parfois, nous allions nous détendre un peu au village, étant entendu qu’à la moindre alerte nous reviendrions immédiatement, prévenus par des coups de sirènes…
Général Jacques de Witasse (C.R.)
L’ODYSSEE DE LA 2e COMPAGNIE DE CHARS DE LA FRANCE LIBRE
Racontée par les survivants
Retranscrit par Christophe LEGRAND
J.M.O. – III/R.M.T.
Première préoccupation pour nous : les prisonniers qui affluent de toute part.
Certains font du zèle et nous amènent femmes et enfants d’Outre-Rhin, des Italiens, des Russes.
Une Allemande a méme le culot de demander un laisser-passer pour retourner à Kehl, surprise qu’elle a été par l’arrivée des Francais à Strasbourg alors qu’elle était venue faire des courses… Elle se fait refouler séchement.
L’Adjudant Vitrac découvre prés du Pont du Petit-Rhin un ancien camp de prisonniers, y parque tout son monde.
Quelques Messerschmidt viennent marauder, puis quelques coups de 150 fusants éclatent au-dessus du camp faisant de nombreuses victimes chez les prisonniers et quelques-unes dans la garde.
Samedi 25 novembre.
Nous sommes toujours sur nos positions. Strasbourg semble à peu près nettoyé.
L’ennemi a quelques centaines d’hommes sur la rive gauche du Rhin.
Quelques tirs de 155 dans nos parages; Vers 14 heures, cela augmente de calibre : 280 disent les artilleurs.
Un coup tombe court, un autre long, le troisième en plein dans la cour de l’immeuble : le Lieutenant-Colonel Putz est blessé, heureusement légèrement par des éclats de verre, le Sergent Bloch qui vient d’arriver, le soldat Lopez, vieux routier de la C.A., sont tués, de nombreux civils. sont blessés.
De plus l“ambulance de Madame Baudin flambe (la précédente a été détruite avant-hier d’un coup de canon alors qu’elle était au volant).
1 H.T. sanitaire, la jeep du médecin, de nombreux autres véhicules sont en piteux état :camion du Bataillon, command-car du Colonel, Jeeps;
– Bref, nous nous en tirons à assez bon compte !
Dimanche 26 novembre.
Le Capitaine Troadec se rend en patrouille au fort Uhlrich et à Plobsheim mais n’est pas engagé.
On annonçait que la 1ère Armée Francaise avait pris Colmar et se préparait a faire liaison avec nous…
Il semble que ces nouvelles aient été largement prématurées car la 1ère Armée semble ne guère avoir débouché de Mulhouse… *
Lundi 27 novembre.
Retour de permission du Capitaine Dronne et affectation au Bataillon du Lieutenant Souriau (120 Cie); cet Officier vient du Q.G. et depuis des semaines cherche à rejoindre le Bataillon.
La 1ère Armée ne nous rejoignant pas, c’est nous qui allons partir à sa rencontre.
L’axe D. nous est imparti : il a cette particularité de suivre le bord du Rhin ce qui présage de beaux marmitages.
Nous progressons derriére le G.T.D.
– Nos fiches d’itinéraires vont jusqu’a Neuf-Brisach…
Mardi 28 novembre.
Le départ a lieu à 9 heures. Progression assez régulière jusqu’à hauteur de lllkirch-Graffenstaden.
A la hauteur de cette ville la colonne est stoppée à 12 heures et la progression ne semble guère devoir reprendre, le pont de Krafft étant sauté…
Sur l’axe C. à notre droite, 10e et 12e avec le Commandant Cantarel sont dans la mème situation.
La nuit approchant, nous faisons “un à droite » pour aller passer la nuit à Illkirch.
La 11e a 2 Sections: elle en aura une avec 1 Section de chars au Fort Uhlrich, 1 Section de chars et l’autre
Section de la 11e dans Illkirch; la C.A. reste à la colonne. Les T.D. de l’Enseigne Hiden restent en reserve.
Mercredi 29 novembre.
La progression est toujours stoppée. De nombreux ponts sont rompus, les Allemahds se montrent accrocheurs. Nous stationnons a Illkirch.
Jeudi 30 novembre.
Rien de nouveau si ce n’est que la 11e est envoyée en avant à Plobsheim pour le cas… Le reste du Sous-Groupement la rejoint.
Vendredi 1er décembre
. Stationnement a Plobsheim. ll ne se passe rien…
Samedi 2 décembre
Mouvement de Plobsheim sur Gerstheim dans la matinée.
Ce mouvement semble prématuré car le Sous-Groupement Debray se trouve encore à Gerstheim et nous ne faisons que nous superposer à lui.
Pendant ce temps le Sous-Groupement “C” a déboité a droite et au cours de la journée mène de rudes combats pour la conquéte du village d`Herbsheim. La 10e et surtout la 12e subissent des pertes sérieuses en particulier par l’artillerie.
Finalement le village est enlevé mais la 12e a perdu plus de 25 hommes (tués et blessés) dont le Lieutenant Souriau qui venait d’arriver et qui est grièvement atteint. La 10e a une dizaine de pertes.
(Voir dans les annexes les C.R. de combat de la 10e Cie) (1)
Le Sous-Groupement “P” toujours à Gerstheim.
A la nuit tombante 3 coups de canon tirés de l’autre côté du Rhin tombent dans le village. Un coup malheureux tue 2 hommes de la C.A. dont le Sergent-Chef Barnès, vieille et belle figure de la C.A.3.
Nous nous préparons à relever le Sous-Groupement Cantarel à Herbsheim et Rossfeld et au carrefour N. de la ferme Riedhof.
Les reconnaissances sont effectuées. Le Peloton de T.D. est remis à la disposition du Lieutenant de Vaisseau Guillon.
– Capitaine Comte avec 1 Section d“infanterie et 1 Section de chars à Herbsheim.
– Capitaine de Witasse avec 1 Section d”infanterie et 1 Section de chars à Rossfeld.
– Capitaine Troadec avec la C.A. et 1 Section de chars sur la route entre le carrefour de la cimenterie et la ferme Riedhof. – La téte à la hauteur de la Zembs au débouché Sud de laforét (le pont est sauté et il ne fait pas bon montrer la tète).
– Le P.C. est au couvent de Ehl avec la S.R.O.
Le Sous-Groupement “P” se superpose au Sous-Groupement “C” lequel attend le rétablissement du Pont de Sand pour aller au repos.
Juste avant la relève la 10e perd 3 hommes à Rossfeld : le Sergent Esperche qui meurt peu après avoir été blessé, le Lieutenant Carage et le soldat Choucroun qui sont blessés.
Dans la matinée émotion pour tous : un Piper Cub est pris en chasse par 3 ME. 109 et est touché; il s’abat dans un pré le nez dans la rivière.
Le Lieutenant Roux observateur d’artillerie et son pilote sont indemnes !...
Toujours le canon sur Rossfeld a la cadence de 500 coups par jour !.
Nous apprenons le décès du Sous-Lieutenant Kron, un des plus anciens du Bataillon et du Corps-Franc déjà blessé en Tunisie – nous le croyions légèrement blessé (Badonvillierj. Encore un charmant camarade qui s’en va…
Une patrouille effectuée par le Sergent Vignes de la 11e est très fructueuse : il ramène 2 prisonniers qui fournissent des renseignements très importants…
A part celà Rossfeld continue a trinquer et ses habitants – civils et militaires – ne mettent guère le nez dehors.
Le Lieutenant Dimier, observateur d’artillerie, commence à la trouver saumâtre…
Arrivée dans le secteur du Régiment de Parachutistes (Commandant Faure) qui vient nous renforcer.
Il est stationné à Gerstheim et une Compagnie doit nous étre envoyée.
Liaison est prise avec eux par le Capitaine Florentin.
Arrivée de la 4e Cie parachutiste qui tiendra Herbsheim (Commandant de Cie : Lieutenant Charvet).
La 32e Batterie (Lieutenant Singer) est relevée et remplacée parla Batterie Ozanne.
ll y a là la 2e Cie du 501, toujours fidèle, la 10e (la 11e est écartelée entre Neukirch -1 Section – et Rossfeld – 1 Section et le P.C., et Benfeld – 1 Section). Le Sous-Groupement H sous le Commandement du Commandant Debray avec la 9e est à Kertzfeld, la 12e à Benfeld, la C.A. est à Rossfeld avec sa Section de mitrailleuses à Neunkirch.
La C.H.R., elle, est dans tous les azimuths.
Le Bataillon n’a jamais été aussi dispersé.
Malgré celà un agréable réveillon aura lieu à Witterheim où (trève de nouvel an sans doute), aucun coup de canon ne sera tiré.
Ce premier janvier plutôt morne n’aura pas de lendemain dans la même ambiance.
La Division est en effet relevée ce jour par des éléments de la glorieuse fere D.F.L., la Division soeur des F.F.L., dont le noyau a fait l’Erythrée, l’Abyssinie, Bir-Hakeim, El Alamein. C’est la première fois depuis les temps lointains de Sabratha que nous nous retrouvons côte à côte.
La reléve a lieu dans la soirée par le Bataillon Magendie, de la 1ere D.F.L.
Le 3/ R.M.T. se reforme à Benfeld où cantonnent C.A., 10e, 11e et 12e, la 9e Compagnie restant à Kertzfeld qui est à côté.
Vers 23 heures nous arrive le Capitaine Duault, ancien du Tchad, et qui, après maintes péripéties, a réussi a rejoindre la 2e D.B.
Il arrive en pleine agitation car un grand départ est dans I’air. et nous ne moisirons pas à Benfeld.
En effet après leur grande offensive de Belgique, les Allemands viennent de déclencher une attaque au Sud de Bitche et on dit, on dit…
Un officier précurseur étant demandé à 6 heures 30 au P.C. de la Division à Obernai, le Capitaine Florentin effectue le voyage par une température polaire.
Contre-ordre toutefois.. Le départ est remis, puis a lieu tout de méme pour une zône de stationnement qui ne laisse plus de doute.
Nous allons dans la peu réjouissante région de Bitche pour “parer à toute éventualité“.
L’instruction se poursuit dans la mesure du possible. Partout on entend une pétarade d’armes dé tous calibres…
Nous rentrent de convalescence, le Lieutenant Carage et le Sous-Lieutenant Teisseire.
Des bruits de départ circulent a nouveau.
Nous retournerions où nous étions en décembre – Ce qui est une façon de parler car dans l’intarvalle toute la bande de terrain si péniblement conquise de Witternheim, Rossfeld, Herbsheim, Friesenheim, Gerstheim etc… a été reperdue et la ligne ennemie vient maintenant jusqu’au Pont de Kraft au Nord et jusqu’à l’lll à l’Ouest.
Vendredi 19 janvier.
Le départ se fera ce soir et le mouvement aura lieu de nuit. Dans la journée le Lieutenant-Colonel Putz est désigné pour prendre par intérim le Commandement du G.T.V., le Lieutenant- Colonel de Guillebon semblant appelé à de mystérieuses fonctions.
Le départ a lieu à 19 heures au carrefour de Berg. Au moment du départ l’Aspirant Peters, de la 9°, blessé à Badonviller, nous rejoint.