CHASSILLÉ
Mardi 8 – Mercredi 9 août 1944
Par Vitré et Château-Gontier, la 2e D.B. fait route vers Le Mans.
Elle amorce un grand mouvement tournant sur les arrières de l’armée allemande.
Deux cents kilomètres que 4.000 véhicules font, le nez sur le voisin, dans une obscurité totale.
Toute la nuit, le grondement des chars, des obusiers, des half-tracks, des auto-mitrailleuses, fait vibrer le pavé des villages endormis.
Quelques villageois excédés du bruit, incapables de dormir, ont poussé les volets…
Ils entendent des voix françaises les saluer avec ironie !… A peine vêtus, ils resteront là toute la nuit sur le seuil de leur maison, stupides et figés dans leur émotion.
Au matin, les yeux gonflés de poussière, brûlés par l’échappement des moteurs de chars, on roule dans une campagne que la guerre n’a pas touché. Les prés n’ont pas un trou à leur robe, les églises ont des clochers et les blés ondulent.
Voilà la France dont nous rêvions !
… la belle France, des vacances d’autrefois !
Tout le long de la route, venus de vingt kilomètres à la ronde, les habitants stationnent par paquets, les bras chargés de fleurs et de vivres.
Nous avançons sur une voie triomphale.
Au passage, les cris de joie, de reconnaissance et d’amitié nous fouettent le visage comme des courants d’air et… piquent les yeux d’un peu d’émotion. Mais malheur aux ponts de fortune, où l’on passe au ralenti. Les voitures se garnisssent de bouteilles.
Impuissants à souffler sur l’enthousiasme de tout un peuple, les commandants d’unités regardent ce spectacle avec inquiétude.
Une étape de deux cents kilomètres, cela fait déjà un nombre respectable de véhicules en panne ou accidentés.
Si les civils se mêlent d’augmenter la casse, avant même qu’on ait rencontré le Boche, il n’y a plus qu’à arrêter la libération.
Mais allez donc leur faire comprendre cela !
Pour eux, la guerre est finie, puisqu’ils sont libérés !
Extrait J.M.O. III/RMT
Jeudi 10 août.
La progression est reprise en direction du Mans, le Bataillon toujours en colonne administrative de route.
Passage à Epineux le Seguin à 9 heures 15 – Viré en Champagne – Brûlon – Joué en Charme – Chassllle (11 heures 25) – Longues – Brain – Coulans – Chauffour (12 heures 40) – où nous apercevons des traces de combat (les Allemands ont été refoulés avant-hier) – St Saturnin – Maule où la tête de colonne arrive à 13 heures 05.
A cet emplacement, se produit un retard considérable : 2 ponts ont été construits sur la Sarthe mais leur débit est insuffisant, principalement le pont Nord, où nous devons passer et qui subit plusieurs ruptures (1 kilomètre Ouest de Neuville, à 10 kilomètres Nord du Mans).
Finalement et en deux fractions, le Bataillon qui stationne à Mau le de 13 heures à 16 heures franchit la Sarthe au pont Sud sans la moindre difficulté.
Il est ensuite regroupé à Montreuil sur Sarthe et établi en défensive, panaché avec les Compagnies de Chars du 501e R.C.C.
A 21 heures, l’ordre de reprendre la progression ayant été donné, le Bataillon reprend la Nationale 831 et va se porter, à partir de 22 heures dans la région de Ballon dans le dispositif suivant:
La 11e Compagnie ayant son P.C. à Montbizot garde les ponts de la Sarthe à St Marceau, Mont bizot et à la Guerche.
Au cours de la nuit, la 10e viendra la renforcer au passage à niveau de Montbizot.
La 9e et la C.A. couvrent Ballon où est le P.C. du Bataillon; le Groupement tactique a son P..C. à Souligné.
EXTRAIT DU JOURNAL DE GUERRE DU CAPITAINE GIRARD
Aide de Camp du général
Jeudi 8 août 1944 – Chassillé
Toute la journée d’hier dans un état de semi-alerte, à attendre des ordres.
Réunion de chefs de corps sur l’herbe.
Ce matin, visite au XXe Corps. Il ne me plaît pas.
Arrivée du colonel Billotte à la division, ce qui provoque un effet de surprise. Il prend le commandement du groupement tactique de Warabiot.
Dans l’après-midi, brusque départ.
Laissant la division faire mouvement vers la région du Mans, nous fonçons à toute allure enfeep jusqu’au XVe Corps où nous arrivons avant l’officier de liaison. De là vers Le Mans.
Comme la ville est encore occupée par les Boches, nous nous arrêtons au bord de la route pour passer la nuit dans une petite maison isolée, près d’un carrefour.
Guillebon qui nous a suivi, est là. Il pleut.
J’aménage tant bien que mal un coin pour le Général dans la seule pièce habitable.
Guillebon et moi contemplons, les sourcils un peu levés, celle qui nous reste.
Pendant la nuit, nous prenons chacun notre tour de veille devant la porte du Général.
Nous sommes inopinément renforcés par l’arrivée de Renaud et d’El Kouhy qui semblent un peu perdus.
Mercredi 9 août 1944 – La Chapelle St Aubin
Nous tournicotons à toute allure dans le secteur pour échouer en fin de journée à La Chapelle St Aubin.
Le Général assiste à un TeDeum dans l’église du village.
Il est logé dans une maison d’assez belle apparence et bien tenue mais où l’on n’entend point héberger d’autre que lui.
Je passe une excellente nuit à la belle étoile dans un charmant verger à côté de Tailly .
Le GTD s’est fait méchamment bombarder en passant par le goulot d’Avranches.
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