BADONVILLER (Meurthe & Moselle)


BADONVILLER

Km= 880 

Jeudi 16 novembre 1944

 

Le 13 novembre, un jour bas sur une neige fraîche et molle qui alourdit encore le gras terrain de Lorraine, le XVe Corps passe à l’attaque. La 3e Armée, au nord, a commencé depuis quatre jours son offensive, a dépassé Château-Salins.
Au sud, le VIe Corps et la 1ère Armée française démarreront à leur tour le 15, face aux Vosges et à la trouée de Belfort. …/…

…/…Pendant trois jours, dans toutes les directions, poussant au nord, au sud, à l’est, Morel-Deville va combattre seul dans une trouée entre deux forêts où l’ennemi s’accroche fort, menacer Parux, prendre Montreux, menacer Neuviller, prendre Parux et progresser finalement, lorsque les efforts faits parallèlement aux siens sur Frémonville et Badonviller auront suffisamment ébranlé l’ennemi, jusqu’à Cirey.

 

 

Au lever du jour, et profitant du brouillard, le détachement de chars légers de la 4/501e RCC, des shermans de la 3/501e RCC, de trois sections de la 10ème Compagnie du III/ RMT et d’une section du génie, traverse une forêt où le char de tête, l ‘« USKUB » détruit l’anti-char qui protégeait un barrage d’arbres.

Un autre anti-char sera détruit juste avant d’entrer dans la ville où les défenseurs surpris se défendent vaillamment devant les actions des marsouins accompagnant les chars.

Vers midi, le Général arrive en jeep et indique l’objectif suivant : BREMENIL, en direction de CIREY sur VEZOUZE.

 

De Badonviller à Cirey sur Vezouze 
Général Rouvillois

 

Le 17 novembre, dans un terrain parsemé de mines, d’abattis et de bourbiers dont il faut fréquemment extirper sous le feu les véhicules, le groupement de tête, Morel-Deville attaque avec fougue. « Au milieu de ses gens jetés dans la mêlée », écrit le général Rouvillois, « Morel-Deville conjugue le culte que portent ses spahis à l’infiltration hardie, le sens qu’ont de l’abordage ses blindés, la pugnacité de ses fantassins dans les corps à corps et la mobilité des feux de ses artilleurs, dont cadres et servants ont une mentalité de volants. Profitant, à l’origine des tirs d’artillerie massifs des deux divisions US, à la jointure desquelles il livre la bataille de rupture, ce cavalier blindé crée une faille dans laquelle il se lance impétueusement avec ses seuls moyens.
Alternativement, il se déploie pour rechercher une fissure profonde, puis se recroqueville pour donner le coup de boutoir. Il encercle le réduit de Nonhigny sur la ligne d’arrêt allemande et s’en empare, puis il fait volte-face et balaie à revers les avancées de la position. Il met alors cap au sud, prend Parux et appuie le 18 au matin les éléments débouchant à sa droite de Badonvillier dont le sous-groupement La Horie s’est emparé la veille par une charge audacieuse au moment où le commandement adverse y jetait en renfort un bataillon de chasseurs. Sans laisser à l’ennemi le temps de souffler, il s’engage dans la forêt, détruit les dernières résistances.
Atteignant au crépuscule Cirey, il bondit jusqu’aux lisières nord et est de la ville et s’assure dans la nuit la possession des ponts intacts sur la Vezouze. Le lendemain 19, avec des réservoirs et des soutes à peu près vides, il marche sur Lafrimbolle, où il est stoppé par un bataillon de chasseurs s’appuyant sur des destructions. » 

Le 19 au matin, Leclerc se rend à Cirey. Malgré les tirs qui continuent, il veut constater par lui-même la situation tactique de l’avant et être là « où seul le chef, informé du déroulement de la bataille et disposant de réserves, peut arracher sur-le-champ une victoire qui serait coûteuse quelques heures plus tard. » En arrivant sur place, Leclerc connaît les derniers succès des deux divisions US, qui maintiennent le rythme de leurs attaques malgré les intempéries. Leur pénétration profonde dans le dispositif adverse fait perdre à l’ennemi la liberté d’action. Il estime donc que la rupture de la ligne d’arrêt ennemie doit avoir lieu au plus tôt et que l’exploitation doit immédiatement suivre, afin de ne pas permettre à l’ennemi de se réorganiser pour diriger
une manœuvre retardatrice. « Course au cols, telle est la volonté qui doit ruisseler en cascade jusqu’au chef de patrouille. Il communiquera le même perçant à tous les exécutants qui adapteront leur manœuvre au terrain : des Vosges, deux routes escarpées plus favorables aux embouteillages qu’aux déploiements et sur le plateau lorrain, variété de chemins qui permettent des chevauchées lointaines. »
Leclerc aère son dispositif en confiant au groupement Guillebon des missions de flanc-garde agressive. Il rassemble en hâte le groupement Langlade et le lance vers le lointain carrefour de Rethal, sur deux itinéraires dont les sous-groupements Morel-Deville et Dio fouillent déjà les abords. Les patrouilles de ces deux sous-groupements livrent des renseignements et des cheminements qui réduisent le délai nécessaire à une action en force.

 

Lafrimbolle :
C’est dans la nuit du 19 au 20 que se joue le succès du lendemain. Au sous-groupement Minjonnet, axe ouest, les reconnaissances profondes interdisent au détachement blindé-porté allemand qui lui fait face, de s’esquiver vers le nord et de couvrir à temps le carrefour de Rethal.
Au sous-groupement Massu, sur l’axe est, des infiltrations hardies amorcent l’encerclement d’un bataillon de chasseurs qui, après une violente préparation d’artillerie, sera traité au corps à corps dans les premières heures du jour. (Le récit des combats et la percée du Sous-Groupement sera fait en détail au Monument de Lafrimbolle).
« Ça va, le Général a lâché Massu. » C’était le lendemain, vers 10 heures, la remarque laconique d’un vieux sous-officier du Tchad qui avait la prétention (justifiée) d’en remontrer à l’Etat-Major.
Le 19 au soir, rameuté à son tour, Massu avait jaugé l’obstacle ( de la Sarre Blanche). Conduits par Morel-Deville, sa grande silhouette, ses traits un peu fermés, avares de paroles (son travail se fait en dedans), avaient remonté la colonne. Le feu s’était fait de plus en plus nourri. A l’A.M. de tête son adjoint, le capitaine Lucien, avait été touché.
La barrière ne pouvait décidément être abordée de front. Une attaque en règle était montée le 20 au matin. Appuyées par toute l’artillerie du groupement, deux compagnies entières manœuvreront en
passant à travers bois pour rejoindre la route 2 kilomètres plus loin, au pont même de la Sarre. La tâche est dure et les Jäger coriaces. Mais, pendant que le canon donne à plein, les fantassins du Tchad y vont avec leur activité et leur résolution coutumières : la machine est bien rodée, peu d’ordre sont nécessaires ; les Jäger et leur bel équipement tombent par paquets, puis se disloquent. A 9 h. 30
la route est ouverte. La colonne s’y engouffre.

Rethal
Et sur-le-champ, c’est l’exploitation. Ce passage de la rupture à la poursuite », « impose une adaptation immédiate du dispositif à une conjoncture favorable mais fugitive. Les difficultés sont multiples : enchevêtrement d’unités éprouvées, destructions et abattis renforcés par des véhicules en flammes auprès desquels quelques isolés persistent à faire le coup de feu. Il est impératif de prendre l’ennemi de vitesse, ce n’est pas une question d’heures mais de minutes pour que le repli ennemi se transforme en déroute, la retraite en débâcle, parce que les cadres adverses harcelés, débordés, épuisés, perdent toute notion d’anticipation et, en particulier le réflexe de bondir à temps sur les points de décrochage préparés autour desquels ils pourraient se rétablir. » Vingt-cinq kilomètres sont ainsi parcourus sans arrêts et le carrefour de Rethal est occupé au crépuscule du 20 Novembre.

De Dabo à Obersteigen : ( Source document Fondation MLH )
Le 21 au petit jour, le mouvement reprend, Massu en tête, suivi par tout le groupement de Guillebon. Minjonnet passera ensuite, et le groupement Langlade, séparé ainsi en deux tronçons, ne se recollera que dans la plaine.
Le pont d’Hazelbourg, les défenses de Dabo sont vides (nous trouverons à Saverne l’ordre de les garnir d’urgence), Dabo même est atteint après un petit combat. Une batterie de 88 qui retraite a cependant barré la route à la sortie de la clairière : les deux heures de répit que lui laisse le dégagement des arbres vont-ils lui permettre d’esquisser une parade, ou au moins de mettre en œuvre les destructions qui risquent de retarder considérablement la descente ?
La petite chapelle papale qui a vu sur cette route les moyenâgeuses vicissitudes des évêques et des comtes domine de son assise rocheuse le groupe de sapeurs qui scient les grands sapins couchés et qui en mettent un coup, je vous le jure. D’un geste de sa canne, Massu remet la colonne en marche vers l’Alsace.

Et, l’après-midi, les nouvelles s’échelonnent. La colonne filiforme descend encore 20 kilomètres de raides lacets dans la forêt, débouche et s’étale aux premières clairières sur la plaine (Obersteigen). Birkenwald, Reinhardsmunster, Dimbsthal, Allenwiller. A Singrist, elle coupe la grande route entre Marmoutier et Wasselonne, où de nombreuses voitures militaires qui circulent, l’esprit en repos, tous phares allumés, viendront buter et se faire massacrer à nos bouchons. La défense allemande se renferme entre les murs qui ont sur place leur garnison; ailleurs, les villages alsaciens retrouvant les nôtres s’essaient à reparler leur français. Et parce que le vocabulaire est rare, que les mêmes mots sont répétés, cette rencontre garde un air grave. Elle en est plus dense de tout ce qui n’est pas exprimé, plus solide derrière la pudeur des gestes inachevés. Et les premiers quartiers sont pris dans toute l’austérité de la guerre.

 

 

 (ci-dessus)

USKUB A TIRÉ AVANT LUI

Au début de la campagne de France, Uskub est char de remplacement de sa compagnie et son équipage piaffe d’impatience.
Uskub, au combat de Fresnes devant Paris le 24 août 1944, sauve l’équipage d’un char de sa compagnie qui est touché par un 88 ennemi.
Touché légèrement lui-même à l’attaque de Vaxainville le 31 octobre 1944, l’équipage a juré de se venger…
A l’attaque de Badonviller, le 17 novembre 1944, il est sur sa demande char de tête ; il muselle d’un coup au but le 88 ennemi qui garde l’entrée de la ville et s’y enfourne, décidant ainsi de tout le sort de l’opération.
Il termine les opérations d’Alsace avec un brio sensationnel en exécutant au canon trois chars ennemis au cours du rude combat du carrefour 177.
Cité à l’armée, le char Uskub appartient à la 3e compagnie du 501 et était commandé par le sergent-chef Dubouch.

 

 

De La Horie, lui, essaie Badonviller.

 

Le 16, à la tombée de la nuit, un petit détachement qui débouche de Sainte-Pôle se heurte à des antichars solidement établis à Saint-Maurice. Le 17 au jour, il repart. Saint-Maurice, probablement inquiété par la corrida Morel-Deville, s’est vidé dans la nuit. Le char de tête, Uskub, arrive à la lisière de la forêt sur la route droite qui mène à la ville : il observe en connaisseur le 88 boche qui l’attend, puis repart doucement et dès que les deux mires s’alignent c’est pour que Uskub mette au but en une fraction de seconde. Trois minutes après le détachement se bat au passage à niveau, pénètre dans les premières maisons, avertit de son succès La Horie, qui donne ordre de pousser et fait suivre par derrière tout ce qui peut. Pas encore grand’chose !… ce sont six chars et douze half-tracks qui s’installent sur la grande place, poussent jusqu’aux sorties, où l’ennemi essaie de s’accrocher, et collectent trois cents boches qui sortent de tous les coins. Plusieurs pièces antichars sont prises sans avoir tiré.

Rupture

Badonviller, où le lieutenant-colonel de La Horie devait être tué le lendemain, était une pièce maîtresse du dispositif ennemi. Celui-ci nous opposait deux divisions : la 553e dans la trouée, adossée à Réchicourt et Blamont, la 708e adossée à Badonviller et à Celles-sur-Plaine, à cheval sur la crête de la Chapelotte. Coupée en deux et privée de sa rocade, cette dernière va retraiter sur le Donon en deux tronçons séparés qui perdront progressivement toute cohésion. Or, elle avait bien compris la partie qui se jouait là : si bien que le 17 au matin, et décidément ennuyée par Morel-Deville, elle avait rameuté les troupes nécessaires à une contre-attaque qui devait déboucher de Neuviller, tandis qu’un bataillon de chasseurs de montagne, ramené de Saint-Dié, était envoyé en hâte renforcer Badonviller même par la Chapelotte. De La Horie, en arrivant Sherman en tête, sans préparation d’artillerie, coupera la contre-attaque à la racine et devancera dans la ville les chasseurs, qui n’auront plus qu’à repartir pour être employés ailleurs. La dernière maison de la ville, celle qui s’était acharnée toute seule à résister, c’était le P.C. du colonel qui avait la garde du secteur. Quand il avait vu, contre tout espoir, la fissure devenir irrémédiable, il s’était tiré une balle dans la tête; et quelques secrétaires hagards, image même de la peur, étaient sortis comme des rats vers nos hommes.
Badonviller, c’était pour nous une fenêtre brusquement ouverte la perspective d’une grande route vers Cirey, doublant l’axe, jusque-là unique et surchargé de l’attaque, d’une route non minée défilant sur les arrières de l’ennemi, au plus près de cette montagne que nous voulions franchir.
Encore fallait-il la conquérir, cette route : sur 10 kilomètres on allait y voir refluer tous les éléments hâtivement repliés de l’ouest, tandis qu’au sud et à l’est l’ennemi restera plusieurs jours menaçant. Il n’était pas encore question d’« exploitation ».

Le Général, qui réserve pour cette ultime phase les groupements Langlade et Dio, fait donc appel au gros du groupement Guillebon, théori-quement « au repos » après les efforts fournis depuis Baccarat. Ce repos ne l’empêche pas d’être en deux heures sur place, de forcer de Badonviller même un difficile débouché vers le nord et de livrer le même soir à Bréménil un dur combat. Le lendemain, toujours séparé de Morel-Deville par des forêts où fourmille l’Allemand, il prend Petitmont, Val et Châtillon, où il traverse la Vezouze. Morel-Deville, qui a pris Parux et établi la liaison à Petitmont, voit apparaître les premières maisons de Cirey. La journée s’avance, il faut faire vite. Résistance sporadique des armes antichars, bras levés des Volksgrenadiers terrifiés, un char qui se replie en canonnant sans succès les Sherman de tête de Martin-Siegfried. Flanquée de spahis à pied, la colonne pénètre dans la ville, coiffe le pont dans la nuit noire, sort à coups de crosse des hommes qui espéraient être tranquilles au moins jusqu’au matin : obligeamment, les corvées allemandes lui servent leur soupe toute prête et fumante. Nous voilà avec deux ponts sur la Haute-Vezouze.

 

 

Le 18 novembre, tôt le matin, alors que La Horie (ci-dessus) vient de donner ses ordres aux officiers,
l’artillerie allemande s’en prend à Badonviller.
La Horie est tué ainsi que la capitaine Mazieras du RMT, Branet est blessé.
Le combat corps à corps, les tireurs d’élite allemands causent de nouvelles victimes.

 

 

 

 

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EMPLACEMENT de la BORNE

La borne se trouve 9 Avenue de la Division Leclerc à Badonviller