BONNELLES
Mercredi 23 août 1944
Extrait du J.M.O. du III/R.M.T.
Lundi 21 août.
Le départ semble imminent mais l’ordre n’en parvient toujours pas; pour la première fois depuis notre arrivée en France, il pleut.
Chacun cherche à s’abriter dans les maisons du village mais les habitants reviennent dans celles qui sont en bon état. Les autres sont de véritables écumoires.
Le P.C. Bataillon, lui, va s’installer à la gare, mais quelle gadoue pour le premier jour de pluie !.
Les convois anglais et américains passent vers l’Est et déjà les noirs américains arrivent pour remettre les voies en état.
Mardi 22 août.
En vue du départ, les unités sont regroupées au Sud de la voie ferrée.
Le temps s’améliore mais il fait lourd. Une dizaine de jeunes gens nous arrivent en renfort; le Bataillon se trouve recomplété à ses effectifs du départ d’Angleterre.
Mercredi 23 août.
Dans la nuit, parvient l’ordre de mouvement, la mise en place devant être terminée à 6 heures du matin. Il pleut.
Le groupement se portera en direction de St Cyr-Villacoublay.
La concentration se fait sans trop de difficultés malgré la nuit mais le départ n’a lieu qu’à 8 heures 55 par l’itinéraire suivant (où nous sommes passés et avons été engagés il y a quelques jours) : carrefour de la Croix de Médavy en forêt d’Ecouves-Alençon (10 heures 15), forêt de Perseignes-Mamers (11 heures 40), Bellème-Nogent le Rotrou (13 heures 30). A Champrond en Gatine, arrêt pour faire de l’essence de 14 heures 40 à 16 heures 20.
Peu après, parvient l’ordre en vue d’opérations éventuelles, de constitution de 2 sous-groupements pour reprendre la progression.
En tête, le sous-groupement Warabiot va se former entre Courville et Chartres (comprend la 11e Compagnie et la section d’obusiers de 75 de la C.A. III).
Derrière le sous-groupement Putz qui comprend la 4e Compagnie de chars légers du 501e , une section de chars moyens du 2/501e (Lieutenant de la Bourdonnais), la 9e Compagnie du R.M.T., la 31e batterie (Capitaine Touyeras) du Xl/64e et l’E.M. du 64e R.A.D.B., la section Cancel de la 13/3 génie. En arrière, le gros aux ordres du Commandant Cantarel (501e) comprend la 10e Compagnie.
Le sous-groupement Warabiot ayant démarré sans prévenir, nous partons avec un certain retard et passons à Chartres à 19 heures puis piquons sur Paris par Ablis (20 heures 10) et rattrapons le sous-groupement Warabiot vers Rochefort en Yvelines. La nuit tombe, la pluie aussi.
A l’arrivée à Limours, les sous-groupements sont aiguillés en deux directions différentes, le nôtre étant placé à quelques kilomètres de la ville sur la route d’Arpajon.
Nous stationnons sur place en nous couvrant à faible distance. Il pleuvra toute la nuit.
Jeudi 24 août.
L’idée de manoeuvre de la journée est la suivante, entrer dans Paris par la porte d’Orléans.
Au départ, le gros du groupement aux ordres du Commandant Cantarel se portera sur Longjumeau directement pour tenir les ponts et éviter que ceux-ci ne sautent. Le sous-groupement Putz, lui, se rendra à Longjumeau par Arpajon ayant à sa droite le sous-groupement Warabiot.
Le Bataillon est fractionné de la façon suivante :
La 9e Compagnie avec le commandant Putz ainsi que le gros de la C.A. (Mortier et Commandement)
La 10e Compagnie avec le Commandant Cantarel et la section de mitrailleuses de la C.A. la 11e Compagnie avec le Lt Colonel Warabiot ainsi que la section d’obusiers de 75.
La section de reconnaissance de la C.A. est à la disposition du G.T.V. toujours en flèche et dans la nature.
Le dispositif du sous-groupement Putz est le suivant : il n’y a pratiquement pas d’avant garde et de gros.
En tète, conduite par le Capitaine Florentin, la 4e Compagnie de chars légers du 501e suivie de la section la Bourdonnais, de la 2/501e, de l’E.M. Bataillon et enfin de la 9e Compagnie, suivent ensuite les éléments de la C.A. et la section du Génie de l’Adjudant-Chef Cancel.
Le départ a lieu vers 8 heures. La progression se poursuit sans incident.
Arpajon, où il y a des barricades, est contourné, Monthlery atteint.
Des renseignements permettent de supposer que nous allons nous heurter sous peu à des résistances sur la route principale.
La progression se fait plus prudente : 152, Ballainvllliers, la Ville du Bois seraient sérieusement tenus.
A 2 kilomètres au Nord de Monthlery, des mines sont détruites à la mitrailleuse, une A.M. brûle.
Nous apprenons bientôt par le 3e Bureau du Groupement que le Groupement Cantarel a atteint Longjumeau.
Il faut l’y rejoindre au plus vite.
Au cours d’une phase de combat assez confuse, les éléments ennemis sont bousculés et Longjumeau atteint où l’on retrouve la 10e Compagnie.
Vers 10 heures trente, la colonne repart mais vers le croisement de notre axe avec la route Massy-Morangis, le combat est engagé plus sérieusement : des blindés de tète sont touchés.
L’ennemi à l’air de tenir sérieusement Massy et nous arrose d’obus qui tombent sur la route, semblant venir du Nord-Est.
Le Chef de Bataillon détache sur la gauche la section Garage de la 10e Compagnie pour réduire les résistances.
Engagée devant Massy, cette section qui sera engluée pendant au moins 5 heures, tombe sur du dur (3 ou 4 pièces anti-chars et des canons automatiques de 20). A plusieurs reprises, elle demande des soutiens, mais la pointe de la colonne continuant à progresser, il est difficile d’en distraire des éléments. Tour à tour, il est fait appel à des chars légers (ils s’embourberont et ne pourront manoeuvrer), à des chars moyens qui doivent reprendre la progression.
Le Caporal Corral, le Sergent Nedelec, le Sergent-Chef Destray tour à tour viennent signaler la situation périlleuse de leur unité.
Finalement, ils pourront décrocher grâce à l’intervention d’un tir d’une batterie d’artillerie et surtout d’un tir au mortier de la C.A. ainsi que grâce à l’intervention du Capitaine Sarazac avec le gros de la 10e Compagnie.
La section a fait environ 50 prisonniers, a tué à peu près autant d’ennemis et détruit deux armes anti-chars mais l’affaire a été chaude : la section a perdu 3 HT. sur 5 et a 15 blessés dont 13 évacués.
Pendant ce temps, la pointe du sous-groupement un moment stoppée au carrefour, a foncé vers Antony (le Colonel Warabiot atteint Wissous vers 14 heures). A 7 ou 800 mètres de la voie ferrée, nous sommes à nouveau arrosés par des résistances qui tirent on ne sait d’où. Bientôt, on s’aperçoit qu’il s’agit de mortiers parfaitement à l’abri dans la voie ferrée en déblai d’ailleurs ainsi que des canons qui tirent sur nous.
Le Chef de Bataillon Putz porte en avant la section Montoya (9e Compagnie) puis la section Cancel du Génie pour nettoyer le carrefour et le passage de la voie ferrée (celle-ci très encaissée) pendant que la section Campos file sur l’Est nettoyer les abords de l’axe, suivie bientôt de la section Elias avec des chars qui se glissent entre l’axe et Campos.
Section du Génie et section Montoya font bientôt sauter un bouchon aux abords de la voie ferrée quand un coup malheureux (mortier ?) tombe en plein sur l’axe : de nombreux civils venus pour nous acclamer se trouvent-là.
Il y a deux morts chez eux et de nombreux blessés chez nous dont le Sous-Lieutenant Montoya qui est remplacé par le Sergent-Chef Moreno, son adjoint.
Celui-ci, aux ordres du Capitaine de Witasse reçoit l’ordre de nettoyer la gauche de l’axe (action parallèle à celle menée à droite par les sections Elias et Campos).
Vers 16 heures, la voie ferrée est enfin déblayée.
Le Capitaine Dronne regroupe assez difficilement |a Compagnie et le sous-groupement fait un bond d’un kilomètre environ.
A la hauteur du groupe scolaire d’Antony où la route fait un très léger changement de direction à droite, la tête est stpppée par un très puissant antichar qui tire de la Croix de Berny dès que le moindre véhicule montre le nez.
Des éléments de la 9e Compagnie se rendent aux abords de l’axe pour effectuer un nettoyage qui s’avère indispensable : il y a des salopards partout.
Le Chef de Bataillon Putz voudrait faire progresser l’infanterie pour essayer de détruire l’antichar. Malheureusement, le Capitaine Dronne est parti vers Fresnes faire la liaison avec le Colonel Warabiot. La section Montoya (en réalité Moreno) est toujours à gauche et la 10e Compagnie a été terriblement étrillée. Quant à la 11e Compagnie, toujours aux ordres du Colonel Warabiot, elle se bagarre à Fresnes et il n’est pas question de faire appel à elle.
Le Capitaine Sarazac, mandé au P.C., promet de nous appuyer le plus vite qu’il pourra mais il a besoin de 2 heures; nous piétinons devant la Croix de Berny. Le Général arrive, envoie de nouveau des éléments de la 2e Compagnie de chars sur la gauche et donne mission au Capitaine Dronne et à ses deux sections de se glisser entre le Colonel Warabiot et le Commandant Putz pour essayer de gagner Paris. Cette mission nous ne la connaîtrons que plus tard, ce qui expliquera notre stupéfaction lorsque, vers 21 heures, le poste de radio de la 9e Compagnie émet à plusieurs reprises que le détachement Dronne – Sections Campos et Elias, section de Sher-man Michard du 501e (réduite à 3 chars) – est dans Paris à 20 heures 45 et se dirige vers l’Hôtel de Ville…
A la Croix de Berny, l’antichar finit par sauter (mortier, intervention de chars du Groupement Warabiot qui le prend de l’Est) vers 20 heures 30.
Deux chars sont poussés à la crête à la hauteur du Parc de Sceaux mais l’un se fait moucher d’un coup de canon; d’après des renseignements, il y aurait deux Tigres en face de nous. A notre droite, le nettoyage de Fresnes est assez laborieux.
La nuit approche. Il n’est pas question pour le détachement Putz de rentrer à Paris ce soir, la transversale T4 est atteinte mais pas T5, ce sera pour demain. Un bouchon est installé à la Croix de Berny : 10e Compagnie en avant – Compagnie du génie 13/3 à gauche – éléments de la C.A. plus la section de la 9e Compagnie (Moreno) à droite. A la nuit tombante, la Croix de Berny est soumise à de violentes rafales d’obus pendant plus d’une demi-heure mais sans mal. Tout le monde s’installe pour dormir.
Pendant cette journée, la 11e Compagnie a opéré avec la section d’obusiers Ettori à notre droite au profit du sous-groupement Warabiot, d’abord avec la section Hébert en tête. Dans l’après-midi, la 3e section (Lieutenant Bachy) appuyé par des chars a enlevé le carrefour de Fresnes où il y a de nombreux Allemands. L’objectif est enlevé mais il y a de la casse. La 11e Compagnie a eu 4 tués et 19 blessés dont plusieurs graves, en particulier le Capitaine Dupont. Elle a en outre perdu 1 jeep et 1 HT. incendié.
J.M.O. 3e R.A.C.
extrait
23/08/44: 8h00. le groupe en stationnement à Mauvaisville reçoit un ordre de mouvement du G.T.D.
Itinéraire prévu: Mortrée (P.I.), Sées, Mortagne, Longny, les Menus, Digny, Châteauneuf-en-Thimerays, Maintenon, Epernon, Rambouillet, Saint-Cyr. Pendant la journée, il effectue les préparatifs de mouvement. A 14h00, il reçoit l’ordre de passer au point initial à 17h30.
La marche se poursuit pendant tout le début de la nuit, par mauvais temps, pluie et très mauvaise visibilité.
1ère Bie: La Division reçoit mission de prendre Paris encore en majeure partie aux mains des Allemands.
Départ d’Argentan à 17 heures 15, direction de l’est par Sées, Mortagne, Châteauneuf, Maintenon, Rambouillet et Villejuif.
3e Bie: Sur ordre: abandon du camion Opel. 17H30. Déplacement administratif: Mortrée, Sées, Ste-Scolasse-sur-Sarthe, Mortagne au Perche, Longny-au-Perche, Manou, Fontaine-Simon, Belhomert, Guéhouville, Digny.
Vers minuit: arrêt de la colonne.
24/08/44: 1h30. Par suite de la mauvaise visibilité, le gros s’arrête sur la route à 20 km à l’ouest de Maintenon.
A 6h00, ordre est donné au groupe de se porter immédiatement sur Longjumeau. Itinéraire: Rambouillet, Carrefour de la Ville Neuve, Clairefontaine, Rochefort-en-Yvelines, Limours, Fontenay, Villejust, Longjumeau.
En exécution de l’ordre d’opérations sans N° du 24.8 à 5h30, le groupe double la colonne du G.T.D. et du G.T.V et arrive à Longjumeau où il prend position en plein dispositif ennemi, sur la route entre Saulx-lès-Chartreux et Longjumeau (Direction du tir: 300 millièmes).
La section antichar est déployée pour nettoyer les alentours immédiats de la position et fait une vingtaine de prisonniers.
Les avions sont à Arpajon mais ne peuvent être utilisés par suite de la mauvaise visibilité.
La C.R. est à Longjumeau même.
Mission: Le groupe est placé en renfort du G.T.V qui progresse sur l’axe Longjumeau, Antony, Croix-de-Berny, Porte d’Orléans.
Des observateurs avancés sont placés auprès du chef de bataillon PUTZ,commandant l’avant-garde du G.T.V sur l’axe précité, le groupe est en renfort de feu du XI/64.
Bonnelles juillet et août 1944
Témoignage de Mr Pierre Schmitt, bonnellois ayant vécu cette période
« Juillet 1944 la bataille de Normandie fait rage, les alliés n’ont pas encore percé définitivement les lignes allemandes, la route de Chartres passant par notre village est devenue stratégique pour la Wehrmacht qui l’emprunte intensivement pour transférer des troupes vers le front y compris au moyen des autobus parisiens réquisitionnés.
La ligne ferroviaire dites « Paris Chartres » passant également par Bonnelles est très fréquentée.
De ce fait l’aviation alliée attaque jour et nuit tous les convois ; le 6 juin un bombardier britannique de type Lancaster est abattu près de la ferme des Clos ; trois des membres d’équipage décédés ont leur nom gravé sur une plaque à l’entrée de l’église et au Monument aux morts.
La bataille allait-elle également concerner directement Bonnelles ?
Personne ne pouvait le dire et l’inquiétude était générale, y compris chez l’occupant qui fit ordonner par la préfecture le 29 juillet la réquisition de tous les hommes valides de plus de 18 ans pour creuser des tranchées le long de la route nationale de part et d’autre de notre village.
Avec peu d’empressement nous exécutâmes cette tâche imposée mais ces tranchées ne devaient heureusement jamais servir et quelques semaines plus tard au matin du 24 août des éléments de la 4e Division US traversèrent Bonnelles suivi le 25 août au petit matin de certains éléments du groupe du colonel de Langlade de la 2ème DB du général Leclerc… nous étions libérés ! »
Source : Commune de Bonnelles
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