LA-HAYE-du-PUITS (Manche)


LA HAYE DU PUITS

Km= 45

REGROUPEMENTS

Mardi 1er – Samedi 5 août 1944

 

 

 

 

Sapeurs US déminant un pont près de la Haye du Puits –  Eté 1944

 

« Après un regroupement des véhicules par régiment, la 2e D.B., passant par Saint-Sauveur-le-Vicomte, alla cantonner dans la région de la Haye-du-Puits.

On se retrouva dans des vergers de pommiers bordés de haies et de chemins creux, un paysage de coupe-gorge pour les chars.
Américains et Allemands s’étaient durement empoignés à l’arme blanche dans cette zone. Des mines partout, des armes, des camions de munitions abandonnés, des véhicules et des chars calcinés, et des bêtes mortes gonflées dans tous les champs, et des cadavres d’Allemands et d’Américains, souvent par monceaux.

Les hommes reniflaient cette odeur de guerre. Ils regardaient autour d’eux, déchiffrant le livre de la guerre dans les destructions, glanant une expérience, de la position d’un canon, de la blessure faite à un mort, examinant et démontant les armes.

Autour de nous, dans ces villages et ces fermes presque entièrement détruits, parmi les champs remplis de mines et bouleversés, où erraient quelques bêtes épargnées, à demi sauvages, les paysans revenaient, paisibles et stoïques, sans un mot de plainte.

Ils nous faisaient fête et nous offraient tout ce qui leur restait, pommes de leurs pommiers, cidre qu’ils avaient caché. Ils nous firent un cadeau plus précieux. Ils nous donnèrent leurs fils. Par centaines, les jeunes Normands s’engagèrent à la D.B.

C’est ainsi que la Normandie, saignée, démantelée, ruinée, donna encore à la guerre le meilleur d’elle-même ».

 ( Extait de : Raymond MAGGIAR- « Les Fusiliers Marins dans la Division Leclerc » – Albin-Michel 1947 )

La 2ème D. B. dans la BATAILLE de NORMANDIE

La 2ème D. B. dans la BATAILLE de NORMANDIE

par le Colonel de GUILLEBON
L’un des premiers compagnons du général Leclerc au Tchad Ancien sous-chef d’État-Major

Dés le 6 juin 1944, le général Leclerc piaffe d’impatience en Grande-Bretagne, mais il n’y a pas de place pour ses blindés dans la zone restreinte où se déroulent les combats des premières semaines. D’ailleurs, la IIIe armée du général Patton, à laquelle est rattachée la 2e D.B., ne sera lâchée qu’après la rupture, et le calendrier du commandement suprême n’envisage notre embarquement que vers le 20 août.
Sur une intervention pressante du général Patton, la date de notre embarquement est avancée au 31 juillet, à la place prévue pour une division américaine, ce qui montre assez dans quelle estime le commandant de la IIIe armée tenait notre grande unité.
Nous débarquons en France le lendemain de la chute d’Avranches, et le général Leclerc va directement au P. C. du général Patton, que nous voyons revenir radieux de la zone des combats : à lui aussi l’attente a paru longue ; maintenant il est payé par la joie de la victoire.
Au milieu d’une prairie plantée de pommiers, la tente du chef moderne est figurée par un camion G. M. C., aménagé en caravane.
Celui de Patton est moitié bureau, moitié bar. Il verse généreusement le scotch whisky au général Leclerc, qui en a horreur, et se sert plus généreusement encore du whisky américain, qu’il préfère. Il décrit avec une satisfaction bruyante le travail de ses blindés ; une de ses unités a dû employer une pelle mécanique pour déblayer les cadavres allemands qui encombraient une voie.
Il est heureux que la division française soit là, mais il n’y a qu’un seul pont à Pontaubault, et il faudra attendre notre tour pour y passer.

Le plan du commandement paraît être d’occuper toute la Bretagne dans un premier temps, et, ensuite, de passer à l’offensive en direction de Paris.
De retour à son bivouac, le général Leclerc, avide de renseignements tactiques et logistiques, m’envoie, avec le chef du 2e Bureau, observer la 4e division blindée U. S. qui attaque Rennes.
Nous en reviendrons avant le départ de la division assurer le Général qu’il n’y a pas de mauvaise surprise à attendre et que ses unités sont au moins aussi bien préparées que les autres à affronter la réalité du combat.
Nous rapportons une entrevue mémorable avec le général américain Wood, commandant la 4e division blindée, deux jours avant son entrée à Rennes. Il nous avait reçu étendu dans une remorque qui lui servait de chambre à coucher : un poste radio jouait des airs de danse en sourdine.
Le général disait : – « Ils » veulent envoyer ma division à Lorient. Je vous demande un peu, qu’est-ce que j’irai faire à Lorient ? C’est à Angers qu’il faut aller et, après avoir touché la Loire, j’irai rebondir jusque vers la Seine, en passant par Chartres.
« Ils » jugent la chose, à l’arrière. sur des cartes et sur des renseignements périmés.
Dites au général Leclerc deux choses : « Qu’il emporte toujours davantage d’essence, et qu’il tire l’armée derriè ».

Enfin, la division s’écoule lentement par ce pont unique de Pontaubault sur lequel passent continuellement, jour et nuit, toutes les voitures de la IIIe armée : combattants. liaisons, ravitaillement, évacuations.
Rassemblés au sud du goulot devant un éventail de routes, allons-nous recevoir une belle mission, commencer la chevauchée ?
Non, car le maréchal von Klùge monte une contre-attaque sur Mortain pour juguler l’unique pénétrante qui part d’Avranches.
Il faut écarter cette menace, qui serait catastrophique.
Ces premiers engagements permettent au commandement allemand d’identifier la présence de notre division, mais il nous croira toujours à Mortain quand nous atteindrons l’Orne à Argentan.
Bientôt nous sommes relevés de cette mission et rattachés au XVe corps.
Dès qu’il apprend ce changement de corps, le général Leclerc saute en voiture avec quelques officiers et brûle d’arriver le premier chez son nouveau chef. Il veut arriver avant le colonel américain de liaisonqu’on lui a imposé au débarquement, et dont il veut se dêfaire.
Il gagne cette course de 150 kilomètres avec demi-heure d’avance, et tout est réglé quand arrive notre infortuné officier de liaison, que nous ne reverrons plus jamais.
Le commandement allié a décidé la manœuvre qui fermera la poche de Falaise ; notre mission est simple : attaquer plein nord en partant du Mans.
Dès le premier contact, la confiance s’est établie avec le général Haislip, le plus compréhensif des chefs alliés auxquels le général Leclerc ait été attaché au cours de cette longue guerre, c’est entre les deux chefs le début d’une amitié durable.

La 2e D. B. passera la Sarthe au-dessus du Mans et attaquera à gauche d’une D. B. américaine qui se concentre au Mans.
La division suit son général dans une étape de 200 kilomètres ; quelle exaltation pour tous de voir tant de terre française libérée après notre long exil ! Par une nuit noire, tous feux éteints, les unités passent la Sarthe sur des ponts de bateaux d’accès très difficile et, le 10 août au matin, par quatre itinéraires parallèles, elle pousse de toutes ses forces plein nord.
Le paysage, coupé de haies et de talus infranchissables, favorise la défense allemande.
Où sont nos horizons africains où nous naviguions à la boussole, comme en pleine mer ?
Nous piétinons dans des chemins étroits, où la vue est limitée à 100 mètres.
De chaque tournant peut jaillir la flamme meurtrière du canon antichars qui tire à bout portant et qui décroche sans risque.
Il faut se faire éclairer, et, derrière la progression prudente du char de tête — sans cesse retardé par l’ennemi et trop souvent détruit — s’allonge interminablement la colonne des blindés, des camions, des jeeps, des canons et des ambulances.
A quoi servent ces innombrables moyens quand, seuls, quelques hommes peuvent être engagés autour du premier char ?
Le général Leclerc est toute la journée sur les routes, allant d’un itinéraire à l’autre, ici furieux et là enchanté, redressant un ordre mal compris ou une manœuvre mal engagée, félicitant les uns, blâmant les autres, mais gagnant tout le monde à son obsession de la vitesse à tout prix.
Devant nous, la 9e Panzer, intacte, qui vient de Nîmes, se bat bien.
Exécutant magistralement son combat en retraite, elle harcèle nos arrières de jour par ses snipers audacieux et elle contre-attaque la nuit : nos hommes connaissent leur troisième nuit sans sommeil.
Le lendemain, 11 août, la progression s’accélère ; chefs et hommes se sont habitués à cette forme de combat, et le paysage, plus ouvert, devient plus favorable à l’attaque.
En fin d’après-midi, on sent que la résistance ennemie va craquer.

 

Colonel DE GUILLEBON

 

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un Salut à l’équipage du Sherman « Brive-La-Gaillarde »- 12ème R.C.A.