Jeudi 24 août 1944
LONGJUMEAU, 24 AOÛT 1944
Le 24 août, le sous-groupement du commandant Cantarel composé d’éléments des 501e régiment de chars de combat, régiment de marche du Tchad et régiment de spahis marocains, qui ont contourné Arpajon par l’itinéraire Briis-sous-Forges-Saulx-les-Chartreux, gagne au plus vite Longjumeau tenu solidement par les Allemands.
Il est 9h30 lorsque les 2e et 3e pelotons du RMSM entrent dans Longjumeau, suivis d’une section de chars du 501 e RCC, aux ordres du sous lieutenant Robert Galley, et de la section d’infanterie du lieutenant Michel Carage du RMT.
Ils réduisent rapidement les îlots de résistance, font 290 prisonniers et s’emparent du pont sur l’Yvette pour ménager un débouché au nord de Palaiseau.
À 18h, le Piper Cub qui a largué le message d’encouragement aux insurgés parisiens se pose à Longjumeau sans son train d’atterrissage.
Quant au 12e régiment d’infanterie de la 4 e DI.US, il ne fera que passer et quittera la ville le 25 à l’aube pour rallier Athis-Mons.
Au total, la libération de Longjumeau aura coûté la vie à 9 hommes de la 2e DB.
Source: Guide Vert Voie de la 2e DB
3 / R.M.T.
Le sous-groupement Warabiot ayant démarré sans prévenir, nous partons avec un certain retard et passons à Chartres à 19 heures puis piquons sur Paris par Ablis (20 heures 10) el rattrapons le sous-groupement Warabiot vers Rochefort en Yvelines. La nuit tombe, la pluie aussi.
A l’arrivée à Limours, les sous-groupements sont aiguillés en deux directions différentes, le nôtre étant placé à quelques kilomètres de la ville sur la route d’Arpajon. Nous stationnons sur place en nous couvrant à faible distance. Il pleuvra toute la nuit.
Jeudi 24 août. L’idée de manoeuvre de la journée est la suivante, entrer dans Paris par la porte d’Orléans.
Au départ, le gros du groupement aux ordres du Commandant Cantarel se portera sur Longjumeau directement pour tenir les ponts et éviter que ceux-ci ne sautent. Le sous-groupement Putz, lui. se rendra à Longjumeau par Arpajon ayant à sa droite le sous-groupernent Warabiot.
Le Bataillon est fractionné de la façon suivante :
La 9e Compagnie avec le commandant Putz ainsi que le gros de la C.A. (Mortier et Commandement)
La 10e Compagnie avec le Commandant Cantarel et la section de mitrailleuses de ta C.A. La 11e Compagnie avec le Lt Colonel Warabiot ainsi que la section d’obusiers de 75.
La section de reconnaissance de la C.A. est à la disposition du G.T.V. toujours en flèche et dans la nature.
Le dispositif du sous-groupement Putz esl le suivant : il n’y a pratiquement pas d’avant garde et de gros.
En tête, conduite par le Capitaine Florentin, la 4e Compagnie de chars légers du 501e suivie de la section la Bourdonnais, de la 2/501e, de l’E.M. Bataillon et enfin de la 9e Compagnie, suivent ensuite les éléments de la C.A. et la section du Génie de l’Adjudant-Chef Cancel.
Le départ a lieu vers 8 heures. La progression se poursuit sans incident. Arpajon, il où il y a des barricades, est contourné, Monthlery atteint. Des renseignements permettent de supposer que nous allons nous heurter sous peu à des résistances sur la route principale.
La progression se fait plus prudente : 152, Ballainvilliers, la Ville du Bois seraient sérieusement tenus.
A 2 kilomètres au Nord de Monthlery, des mines sont détruites à la mitrailleuse, une A.M. brûle. Nous apprenons bientôt par le 3e Bureau du Groupement que le Groupement Cantarel a atteint Longjumeau.
Il faut l’y rejoindre au plus vite.
Au cours d’une phase de combat assez confuse, les éléments ennemis sont bousculés et Longjurneau atteint où l’on retrouve la 10e Compagnie.
Vers 10 heures trente, la colonne repart mais vers le croisement de notre axe avec la route Massy-Morangis, le combat est engagé plus sérieusement : des blindés de tête sont touchés.
L’ennemi à l’air de tenir sérieusement Massy et nous arrose d’obus qui tombent sur la route, semblant venir du Nord-Est.
Le Chef de Bataillon détache sur la gauche la section Garage de la 10e Compagnie pour réduire les résistances.
Engagée devant Massy, cette section qui sera engluée pendant au moins 5 heures, tombe sur du dur (3 ou 4 pièces anti-chars et des canons automatiques de 20)
A plusieurs reprises, elle demande des soutiens, mais la pointe de la colonne continuant à progresser, il est difficile d’en distraire des éléments.
Tour à tour, il est fait appel à des chars légers (ils s’embourberont et ne pourront manoeuvrer), à des chars moyens qui doivent reprendre la progression.
Le Caporal Corral, le Sergent Nedelec, le Sergent-Chef Destray tour à tour viennent signaler la la situation périlleuse de leur unité.
Finalement, ils pourront décrocher grâce à l’intervention d’un tir d’une batterie d’artillerie et surtout d’un tir de mortier de la C.A. ainsi que grace à l’intervention du Capitaine Sarazac avec le gros de la 10e Compagnie.
La section a fait environ 50 prisonniers, a tué à peu près autant d’ennemis et détruit deux armes anti-chars mais l’affaire a été chaude : la section a perdu 3 HT. sur 5 et a 15 blessés dont 13 évacués.
Pendant ce temps, la pointe du sous-groupement un moment stoppée au carrefour, a foncé vers Antony (le Colonel Warabiot atteint Wissous vers 14 heures).
A 7 ou 800 mètres de la voie .ferrée, nous sommes à nouveau arrosés par des résistances qui tirent on ne sait d’où. Bientôt, on s’aperçoit qu’il s’agit de mortiers parfaitement à l’abri dans la voie ferrée en déblai d’ailleurs ainsi que des canons qui tirent sur nous.
Le Chef de Bataillon Putz porte en avant la section Montoya (9e Compagnie) puis la section Cancel du Génie pour nettoyer le carrefour et le passage de la voie ferrée (celle-ci très encaissée) pendant que la section Campos file sur l’Est nettoyer les abords de l’axe, suivie bientôt de la section Elias avec des chars qui se glissent entre l’axe et Campos.
Section du Génie et section Montoya font bientôt sauter un bouchon aux abords de la voie ferrée quand un coup malheureux (mortier ?) tombe en plein sur l’axe : de nombreux civils venus pour nous acclamer se trouvent-là.
Il y a deux morts chez eux et de nombreux blessés chez nous dont le Sous-Lieutenant Montoya qui est remplacé par le Sergent-Chef Moreno, son adjoint.
Celui-ci, aux ordres du Capitaine de Witasse reçoit l’ordre de nettoyer la gauche de l’axe (action parallèle à celle menée à droite par les sections Elias et Campos).
Vers 16 heures, la voie ferrée est enfin déblayée. Le Capitaine Dronne regroupe assez difficilement la Compagnie et le sous-groupement fait un bond d’un kilomètre environ. A la hauteur du groupe scolaire d’Antony où la route fait un très léger changement de direction à droite, la tête est stoppée par un très puissant antichar qui tire de la Croix de Berny dès que le moindre véhicule montre le nez.
Des éléments de la 9e Compagnie se rendent aux abords de l’axe pour effectuer un nettoyage qui s’avère indispensable : il y a des salopards partout.
Le Chef de Bataillon Putz voudrait faire progresser l’infanterie pour essayer de détruire l’antichar.
Malheureusement, le Capitaine Dronne est parti vers Fresnes faire la liaison avec le Colonel Warabiot.
La section Montoya (en réalité Moreno) est toujours à gauche et la 10e Compagnie a été terriblement étrillée.
Quant à la 11e Compagnie, toujours aux ordres du Colonel Warabiot, elle se bagarre à Fresnes et il n’est pas question de faire appel à elle
Le Capitaine Sarazac, mandé au P.C., promet de nous appuyer le plus vite qu’il pourra mais il a besoin de 2 heures; nous piétinons devant la Croix de Berny.
Le Général arrive, envoie de nouveau des éléments de la 2e Compagnie de chars sur la gauche et donne mission au Capitaine Dronne et à ses deux sections de se glisser entre le Colonel Warabiot et le Commandant Putz pour essayer de gagner Paris.
Cette mission nous ne la connaitrons que plus tard, ce qui expliquera notre stupéfaction lorsque, vers 21 heures, le poste de radio de la 9e Compagnie émet à plusieurs reprises que le détachement Dronne – Sections Campos et Elias, section de Sherman Michard du 501e (réduite à 3 chars) – est dans Paris à 20 heures 45 et se dirige vers l’Hôtel de Ville…
A la Croix de Berny, l’antichar finit par sauter (mortier, intervention de chars du Groupement Warabiot qui le prend de l’Est) vers 20 heures 30.
Deux chars sont poussés à la crête à la hauteur du Parc de Sceaux mais l’un se fait moucher d’un coup de canon; d’aprés des renseignements, il y aurait deux Tigres en face de nous.
A notre droite, le nettoyage de Fresnes est assez laborieux. La nuit approche.
Il n’est pas question pour le détachement Putz de rentrer à Paris ce soir, la transversale T4 est atteinte mais pas T5, ce sera pour demain.
Un bouchon est installé à la Croix de Berny : 10e Compagnie en avant – Compagnie du génie 13/3 à gauche – éléments de la C.A. plus la section de la 9e Compagnie (Moreno) à droite.
A la nuit tombante, la Croix de Berny est soumise à de violentes rafales d’obus pendant plus d’une demi-heure mais sans mal. Tout le monde s’installe pour dormir.
Pendant cette journée, la 11e Compagnie a opéré avec la section d’obusiers Ettori à notre droite au profit du sous-groupement Warabiot, d’abord avec la section Hébert en tête.
Dans l’après-midi, la 3e section (Lieutenant Bachy) appuyé par des chars a enlevé le carrefour de Fresnes où il y a de nombreux Allemands.
L’objectif est enlevé mais il y a de la casse. La 11e Compagnie a eu 4 tués et 19 blessés dont plusieurs graves, en particulier le Capitaine Dupont.
Elle a en outre perdu 1 Jeep et 1 HT. incendié.
Objectif : Paris par le sud, sur l’axe de la route nationale n° 20 (Orléans-Etampes-Paris).
L’ordre initial fixe l’axe du mouvement : Limours, Arpajon, Bourg-la-Reine, porte d’Orléans, et dans Paris, l’Observatoire, le Panthéon, le pont de la Cité, la gare de Lyon, puis Vincennes et Nogent-sur-Marne.
Avec les chefs de section, je pointe rapidement sur la carte les transversales et les principaux obstacles sur lesquels nous risquons de rencontrer des résistances organisées. J’éprouve personnellement une aversion déterminée à l’égard des grands itinéraires, qui sont toujours défendus et pris d’enfilade. Systématiquement, a priori, je renouvelle la consigne permanente : dès que nous arriverons au contact, quitter la grand’route, manœuvrer par les petites rues, ne pas se laisser fixer, déborder, se renseigner constamment auprès de la population.
Nous dépassons Arpajon, traversons Montlhéry, arrivons devant Longjumeau, Les gens sortent des maisons, envahissent la route malgré l’heure matinale, entourent les voitures, embrassent les soldats, chantent, crient. Cet accueil chaleureux nous bouleverse.
A 8 heures, devant Longjumeau, la tête du sous-groupement Putz se heurte aux premières résistances allemandes.
Avec un petit détachement composé d’une section de chars Sherman du 501 et de la section du sous-lieutenant Elias, je reçois mission de procéder au nettoyage d’une zone à l’est de l’axe, vers Ballainvilliers. Nous nous déployons ; ça et là, quelques Allemands s’accrochent, l’infanterie d’Elias descend de voiture et progresse à pied, appuyée par les chars.
Les balles incendiaires mettent le feu à la toiture d’un hangar, qui bientôt flambe comme une torche.
De très brefs engagements se succèdent. Le soldat Vega Juan tombe, grièvement blessé d’une rafale, il traînera pendant des mois douloureux d’hôpital en hôpital. Bien que l’équipage s’en défende, il a manifestement été transpercé par une rafale de mitrailleuse tirée par un de nos chars. Le détachement ramasse deux prisonniers éberlués, rapidement interrogés.
Les deux autres sections de la compagnie effectuent un ratissage à l’entrée de Longjumeau. Là aussi les accrochages sont brefs et répétés. Les Allemands sont dispersés en plusieurs petits points d’appui. Nos deux sections ramassent une quarantaine de prisonniers.
Les deux détachements n’ont pas le temps de décompter les morts allemands.
L’action d’ensemble du sous-groupement est lentement menée, davantage dans l’esprit fantassin que dans celui qui doit animer une division blindée. On s’obstine à faire sauter les unes après les autres de modestes résistances tenues par des effectifs faibles et modérément combatifs. Il faudrait aller vite, déborder, ne pas nous figer sur l’axe. Les ordres sont les ordres.
Les accrochages se succèdent au milieu de la foule ; des vagues de civils, hommes, femmes, enfants, sautent sur les voitures, refluent et s’éparpillent quand claquent rafales ou coups de canon, reviennent dès que le feu se calme.
Reiter reconnaît que les Parisiens sont moins prospères que les Normands. Le visage amaigri de la plupart d’entre eux montre que le ravitaillement doit poser des problèmes ardus.
Le 23 août : enfin vers Paris !
Le 24 août : arrivée à Longjumeau ; quelques coups de feu révèlent la présence de l’ennemi aux abords de Longjumeau.
Le 2ème peloton aux ordres du lieutenant Moore reçoit la mission de coiffer et de nettoyer la crête qui protège le village au sud-est.
Nous ne rencontrons que de faibles résistances de l’infanterie ennemie, en tuant quelques uns et capturant 30 prisonniers et ramassant 1 canon anti char de 37 mm et son tracteur. Pas de pertes pour nous.
À Wissous, le lieutenant Moore emmène une petite patrouille et ferme les vannes que l’ennemi était en train d’ouvrir pour inonder la région.
Résultat, 4 prisonniers.
À 6h30 du matin, mon peloton est mis aux ordres du sous-groupement Noiret.
Amputé de mon adjoint, l’aspirant Paul Willing (prêté au 1er peloton avec sa jeep) et de mon obusier de 75. Ma mission consiste à ouvrir la route et guider le sous-groupement d’une part, jusqu’à la porte d’Orléans et d’autre part, de la porte d’Orléans à l’avenue de Suffren, en passant par les quais de Seine (usines Citroën).
Colonel Fred Moore – 1er RMSM
Note : composition du 2ème peloton :
3 AMS Marmon-Harrington (peu armées de série mais transformées par l’aspirant Moore dès sa perception en Égypte en juillet 1942) ;
1 AM de commandement équipé d’un canon allemand de 28/20, antichar récupéré en Tunisie ;
1 AM canon de 25 antichar français ;
1 AM d’origine
1 véhicule 4×4 récupéré également, pour transporter un groupe de soutien avec mes marocains, soit 6 hommes.
Effectif total du peloton : 18 personnels.
HISTOIRE D UN COUP DE TÉLÉPHONE
Le 3ème escadron du R.B.F.M. fait partie de la colonne qui part d’Arpajon et attaque sur l’axe de la porte d’Orléans.
La colonne est bientôt arrêtée par des antichars, devant Longjumeau.
La cote 136, un peu en arrière, épaule la résistance de Longjumeau. Il faut la réduire. Le lieutenant de vaisseau Bonnet est chargé de s’en emparer avec les 2e et 3e pelotons de son escadron.
Le 2e peloton est commandé par Lacoin.
Lacoin est un enfant des Carmes, j’entends du quartier des Carmes. C’est le quartier contigu au Luxembourg qui vit comme une province au cœur de Paris, étranger aux bruits du monde, rassemblé autour du vieux monastère, comme un troupeau autour de son pasteur.
Le mysticisme y fleurit autant que l’herbe entre les pavés. Lacoin est un mystique. S’il n’était pas marin, il serait apôtre de la foi. II a un aîr lointain. le regard plein de la certitude éternelle. Et il donne l’impression d’avoir les pieds posés sur des nuages, comme les saints des images pieuses.
Au combat, cette indifférence pour les « choses de ce monde » se traduit par une sorte d’inconscience du danger. Les balles et les obus peuvent siffler autour de lui. Lacoin les regarde tomber avec détachement. Il n’imagine pas qu’ils puissent traverser son corps céleste. Avec des idées pareilles, il jouit évidemment d’un grand prestige auprès de ses hommes.
Au combat de la cote 136, tout le monde pense que ses propriétés miraculeuses vont être mises à rude épreuve : une cinquantaine de fantassins i>o-ches, embusques là, avec quatre mil railleuses, ont juré de se défendre jusqu’à la mort.
Mais au cours de l’attaque, l’Oberleutnant qui les commande, est abattu un des premiers. Impressionnés par sa mort, autant que par la vigueur de l’assaut, les Boches ne tardent pas à se rendre.
L’épreuve n’a pas été concluante pour Lacoin. Il réserve ses démonstrations pour l’avenir.
Pour le moment, à peine le combat terminé, il descend au village de Champlan et se précipite au téléphone.
On l’entend demander un numéro… à Paris !
Téléphoner à Paris, ça alors c’est encore une propriété miraculeuse. Les hommes en sont « soufflés » !…
« Sûrement qu’au bout du fil y aura une voix céleste… »
Et l’indiscret qui a pris l’écouteur entend : « Ah ! tu n’es plus à Casa. Ah ! avec le général Leclerc. Dépêche-toi, on t’attend. »
Extrait de : Raymond MAGGIAR- « Les fusiliers Marins dans la Division Leclerc »
A Longjumeau un bombardement allemand tue les chasseurs Ali Moussa, Hanza Djelouli, Michel Le Saoult et Bernard Guinlat du 501ème RCC ainsi que le marsouin Henri Charmette de la 11ème compagnie de combat du 3ème RMT et Albert Chlopecki du 13ème Bataillon médical
LONGJUMEAU – Infos