PARIS
24 août 1944 : Revoir Paris
par Jean CALLET
Et voici que nous recevons la mission attendue mais inespérée.
A l’approche de nos blindés, la capitale s’est soulevée.
Retranchés dans leurs « îlots », les résistants tiennent tête aux Allemands et fixent des forces adverses importantes.
C’est la préfecture de police qui dirige les opérations et qui subit le choc principal des forces allemandes.
Les agents tiennent héroïquement, mais ignorent l’avance fulgurante de Leclerc et l’arrivée de nos blindés.
Des émissaires ont franchi les lignes, atteint le P.C. de Leclerc où ils dépeignent la situation dramatique de ceux qui combattent dans Paris et qu’il faut, à tout prix, rassurer … Pas de moyens radio ! … L’aviation de chasse ? trop longue à déclencher .
A la disposition du général Leclerc, il ne reste que ce petit Piper Cub auquel sera confié le soin d’aller lancer, sur la préfecture de Police, un message annonçant l’arrivée des troupes françaises : « Tenez bon, nous arrivons »…
Telle est la mission demandée. Certes, les possibilités de notre appareil sont faibles : pas de blindage…
La vitesse ? sans rapport avec celle de la « chasse » adverse… Foin de tout cela ! Il ne s’agit plus de discuter des « caractéristiques » réglementaires, mais de réussir. Je demande un volontaire pour m’accompagner et remplir les fonctions d’observateur. Etienne Mantou se présente ; l’équipage est prêt.
Cependant, sous l’averse qui continue, le terrain devient impraticable. Il faut attendre l’éclaircie.
A 15 heures nous parvenons à rejoindre Arpajon. Rapidement, nous en repartons. Je m’installe au poste de pilotage.
Etienne Mantou s’assied derrière moi. Avant le décollage, je regarde avec avidité cette terre, ce sol sur lequel nous sommes vivants et forts.
Soudain, à l’horizon, une ligne de toits qui miroitent : la banlieue. Paris ? Oui, Paris, avec ses dômes, avec ses flèches. Au Nord : le Sacré-Cœur ! Paris, que nous avons quitté depuis si longtemps ! Paris, ville de nos illusions… de nos rêves…, et de notre jeunesse.
Paris était là, comme endormi.
Et de toute la division, nous étions les premiers à avoir le privilège de contempler le « visage de la Bien Aimée », les premiers à lui offrir notre hommage amoureux. A nos pieds, le dôme des Invalides, la Cité, Notre-Dame. Nous regardons de tous nos yeux, oubliant tout danger, fascinés par ce spectacle espéré mais qui nous paraît insolite,peut-être quelques secondes avant la fin… «Nuncdimit-tis ». Je reconnais le Panthéon, la préfecture de police. Etienne Mantou me confirme l’objectif que nous survolons à la verticale. Maintenant il faut descendre.
Attention ! Je pique… L’avion bascule, vire, plonge en tombant comme une feuille morte.
Pour tromper l’adversaire ! Je veux apparaître comme un « objet désemparé » allant s’écraser dans la Seine ! Tout se passe bien. Pas de réactions. Dans les rues, personne. Un silence étonnant. Je fixe l’objectif intensément : la cour de la préfecture. Le parvis de Notre-Dame sur lequel un homme agite un fanion. Et la Seine, calme et tranquille. Sur le bas-port, ô miracle ! dans la solitude du moment, un couple d’amoureux ! La descente continue. L’altimètre décroît. Rien. Pas un coup de feu ! Maintenant, nous sommes à quelques mètres au-dessus des flèches de Notre-Dame et je redresse, brutalement, en amorçant un virage circulaire autour de la préfecture de police, en rasant les toits. « Message lancé » hurle Etienne dans son micro et je vois la banderole couleur d’or se dérouler.
Il faut maintenant remonter. Mais de la rive gauche, des mitrailleuses entrent en action. Pour échapper au tir je pique et file au ras des toits, vers le Sud. Au Kremlin-Bicêtre les tirs reprennent, puis à Villejuif, Arcueil, Cachan. L’appareil est touché mais le moteur tourne toujours. Nous volons à quelques mètres d’altitude. Les tirs cessent. Montlhéry, nos chars, une prairie. Nous atterrissons.
Le général Callet, alors capitaine appartenait à l’escadrille d’observation de la 2e DB
Paru dans la Revue historique de l’armée, octobre 1984.
501e R.C.C
Le 25 août vers 9h00, alors que le gros de la 2e DB entre dans Paris, le détachement DRONNE stationné autour de l’hôtel de ville est chargé de s’emparer du central téléphonique situé rue des Archives et de pousser vers la caserne Prinz Eugen, Place de la République.
Deux colonnes sont constituées : la première, sous les sous- ordres du lieutenant ELIAS du RMT, comprend le Romilly.
Elle a pour objectif la Place de la République en passant par la rue du Temple.
La seconde, commandée par le lieutenant MICHARD doit progresser par la rue des Archives avec le Champaubert et le Montmirail soutenus par les fantassins du RMT.
Peu avant de déboucher de la rue du Temple sur la place de la République, la colonne du sous-lieutenant ELIAS marque un arrêt.
L’adjudant Henri CARON, chef de char du Romilly, débarqué de son engin pour une reconnaissance est atteint par des tirs ennemis.
Evacué, il succombera à ses blessures dans la journée.
Vers 11h, le central étant nettoyé, les deux colonnes rejoignent l’hôtel de ville à l’exception d’un bouchon du RMT qui reste en position face à la caserne Prinz Eugen.
Pendant ce temps, la division a progressé sur ses axes.
Le GTV a pour mission principale la prise de l’hôtel Maurice, PC du général Von CHOLTITZ, commandant du Groß Paris et la sécurisation du centre de la capitale et comme mission secondaire la sécurisation du secteur Panthéon –Boulevard St-Germain – Boulevard St-Michel.
La mission principale est confiée au sous-groupement (S/GT) WARABIOT qui est articulé en 3 colonnes.
Au centre, aux ordres du capitaine BRANET, les 1e et 2e sections de la 3e compagnie (BENARD et DAVREUX), la section NANTERRE de la 4e compagnie et des éléments de la compagnie d’état-major progressent le long de la rue de Rivoli soutenus par les sections du Lieutenant FRANJOUX (III/RMT) et du lieutenant KARCHER (I/RMT).
Sur la droite, le capitaine SANMARCELLI (RMT) a sous son commandement 3 chars de la 3e (CHRISTEN) de la 3ecompagnie et les sections HEBERT et BACHY du III/RMT.
Par le faubourg Saint-Honoré sa mission est de soutenir le détachement principal pour la prise de l’hôtel Meurice puis de pousser jusqu’à l’Opéra.
Sur la gauche, longeant la Seine sous les ordres du lieutenant BRICARD (EM/501), 2 chars de la section COLMENT, renforcée par le Uskub et le Francheville et soutenue par les sections LUCCHESI du I/RMT a pour mission de nettoyer le jardin des Tuileries.
La 1e compagnie, commandée par le capitaine BUIS, est en soutien du sous-groupement.
Vers 13h00, après le rejet de l’ultimatum du colonel BILLOTTE par le général Von CHOLTITZ, le S/GT WARABIOT rejoint ses bases de départ.
A 13h35, à hauteur de la Place Royale, un tir violent fauche plusieurs fantassins.
Peu à peu la colonne BRANET progressant à l’abri des colonnades atteint l’hôtel Meurice.
Aux abords de l’objectif, le Mort-Homme reçoit une grenade dans la tourelle.
Trois de ses membres d’équipage sont brûlés mais le char endommagé pourra reprendre le combat quelques semaines plus tard après le remplacement de sa tourelle.
Vers 15h00, débouchant sur la Place de la Concorde, le Douaumont voit un Panther en position face aux Champs-Elysées.
Après deux tentatives de destruction, le sergent BIZIEN ordonne à son pilote de foncer le char allemand que son équipage a le temps d’évacuer.
Peu après, Marcel BIZIEN qui manoeuvre pour dégager son char est abattu par un tireur posté sur un toit.
Dans le Villers-Cotterets, en soutien du Douaumont, le caporal-chef Pierre LAIGLE est également abattu par un tireur isolé.
Dans le jardin des Tuileries, 4 autres Panther et un R35 qui interdisent les débouchés par les quais de la rive gauche, sont détruits par les chars du détachement BRICARD.
Le S/GT PUTZ, progressant par la rue Saint-Jacques est chargé de la mission secondaire et de réduire les résistances sur les boulevards St-Germain et St-Michel.
Il dispose pour cela des sections de l’aspirant LACOSTE et du lieutenant de LA BOURDONNAYE de la 2e compagnie, des 2e et 3esections de la 4e compagnie (sous-lieutenant RODEL et LESPAGNOL) et de la 10e compagnie du RMT (capitaine SARAZAC).
La 2e compagnie atteint la Place St Michel et les quais de Seine vers 10h00.
En fin de matinée, le S/GT reçoit la mission d’investir le Luxembourg et le Sénat où l’escadron de protection divisionnaire est engagé dans de rudes combats durant lesquels le Boncourt affronte les troupes retranchées dans l’Ecole de Mines.
Lors de l’attaque d’un blockhaus protégeant le Sénat, le chasseur Jean REVERS du peloton de LA FOUCHARDIERE est tué.
Venant du Nord et de l’Est, la 2e compagnie se lance à l’attaque de l’entrée principale du Sénat et de ses abords tandis que des éléments du RBFM et du 12e Cuir interviennent à l’Ouest et au Sud du jardin du Luxembourg.
Alors qu’ils effectuent une reconnaissance à pied, l’adjudant André CORLER (adjudant de compagnie) et le chasseur André LOZET (aide-pilote du Essling) sont tués devant l’Ecole des Mines.
En fin d’après-midi, le colonel CREPIN accompagné d’un officier allemand apporte l’ordre de reddition à la garnison du Sénat qui finit par rendre les armes vers 19h. Les dernières poches de résistances ayant été réduites, le calme revient peu à peu sur la capitale. Les compagnies restent sur les positions atteintes dans la journée où elles s’installent pour la nuit.
Le lendemain, le général de GAULLE descend à pied les Champs-Elysées après s’être recueilli sur la tombe du Soldat Inconnu.
Les 1e, 2e et 3e compagnies sont alignées le long du jardin des Tuileries sur la Place de la Concorde, face aux Champs-Elysées.
A l’issue de cette inoubliable journée, le Régiment rejoint le Pré Catelan dans le Bois de Boulogne où il établit ses quartiers jusqu’au début du mois de septembre.
Entre le 27 et le 29 août, des éléments des deux autres groupements (GTL et GTD) livrent de violents combats dans les secteurs du Bourget et d’Enghien. Le GTV fournira quelques éléments pour patrouiller au sud de la Seine.
Le 28 août, lors de l’une de ces missions, le chasseur Roland VIDAL (SHR/2eCie) sera victime d’un accident au volant de son GMC.
(Source : ASSOCIATION NATIONALE des ANCIENS du 501e REGIMENT de CHARS de COMBAT – Circulaire – 10/2014)
Le Général LECLERC dans PARIS – A ses côtés, Christian GIRARD, son aide de camp
BILAN
Pour la seule journée du 25, la DB déplore 45 tués, les FFI (du 19 au 25 août) près de 1.000, les civils 582, et l’ennemi 3.200 et 12.800 prisonniers.
Pour Leclerc et ses hommes, Paris libéré est une victoire militaire retentissante mais ce n’est pas la fin des combats pour eux.
VIDEOS
Libération de Paris par la 2e Division Blindée
« Combats de rues dans Paris août 1944 »
Montage de rushes muets montrant Paris aux premières heures de la Libération : les derniers combats, le regroupement des prisonniers allemands, l’accueil que les Parisiens offrent aux soldats alliés. La Vidéothèque de Paris (devenue depuis Forum des images) a sélectionné aux Archives nationales de Washington ces images de la Libération de Paris filmées par les opérateurs de l’armée américaine.
Paris, la Libération en marche, août 1944
Elle mêle l’histoire de Paris à la progression des Libérateurs. Images et documents tirées du livre : « Paris, la Libération en marche ».
Une balade qui « s’inscrit dans la topographie historique de la ville. »
P A R I S - EN SAVOIR +
©Albert BRENET
H I S T O I R E :
Comment un Français Libre de la 2e DB a vécu la libération de Paris
La 2e DB et la libération de Paris
MUSÉE GÉNÉRAL LECLERC & de la LIBÉRATION de PARIS – MUSÉE JEAN MOULIN
AOUT 1944 – REGARDS CROISES SUR LA LIBERATION de PARIS
I.N.A. LIBERATION de PARIS ( archives )
www.2eDB-LECLERC.fr / Libération de PARIS