CHÂTEL-sur-MOSELLE / NOMEXY
Vendredi 15 – Jeudi 22 septembre 1944
Le 15 septembre, le S/GT de LA HORIE est chargé d’établir une tête de pont sur la Moselle et de prendre Châtel et Nomexy.
La Moselle est franchie à gué à Châtel où se regroupent la 3e compagnie, la 9e compagnie du RMT et le 3e escadron du RMSM.
Ils seront rejoints dans la nuit par la 10e compagnie du RMT et une section du Génie.
Le PC du S/GT est établi à Nomexy avec les chars de la section de commandement de la 3e compagnie, la section de chars 105mm du Régiment et des éléments de la 4e compagnie et de la CHR.
Le 17, la 111e Panzer-Brigade passe à l’attaque dans le secteur de Châtel en début de soirée.
Les combats durent jusque tard dans la nuit.
La 3e compagnie perd le Douaumont à Châtel et l’Argonne à Nomexy.
Le Régiment compte 9 nouveaux tués : l’aspirant VAN PARYS (CEM), le sergent Anselme GIANGRANDI, le caporal Henri VILETTE,
les chasseurs Emile BUCCO, Georges DOUILLON, Robert WASSON, Jean PRESLES et Jean JOUYS (3e Cie).
A l’aube du 18, le GTV évacue Châtel.
La nuit suivante, un détachement aux ordres du capitaine BUIS est chargé de reprendre la ville.
Au cours de l’engagement, l’Ankenes saute sur une mine.
Les chasseurs Fernand TRAUTMANN (CEM), Bénoni LOGIE et Maurice GROBMANN de la 4e compagnie sont tués.
Après avoir repris Châtel, le S/GT comprenant la 1e compagnie flanc-gardé par la 4e compagnie atteint Roville-aux-Chênes où l’adjudant René MARTIN (chef de char du Médénine) est tué.
Les sapeurs du 13e Génie établissent un pont sur la Moselle.
Musée du Général Leclerc et de la Libération de Paris / Musée Jean Moulin (Paris Musées)
… Le sous-groupement LA HORIE franchit à gué la Moselle à Châtel avec quelques éléments blindés et des fantassins.
Sa tête de pont est précaire: elle est violemment attaquée le 16 au soir par des blindés allemands équipés de Panthers.
Après les combats de Dompaire, MANTEUFFEL dispose, outre quelques résidus de la 112e Panzer Brigade, de la IIIe Panzer Brigade arrivée en même temps de Stuttgart à Saint-Dié et pas encore engagée.
La tête de pont résiste victorieusement et cause à l’attaque allemande de grosses pertes : 200 hommes, 5 Panthers détruits, 10 autres endommagés, apprendra-t-on ultérieurement par un déserteur de la 111e brigade.
Néanmoins LECLERC estime cette tête de pont aventureuse et non nécessaire pour couvrir le flanc sud du XVe C.A-U.S.
Il la fait replier dans la deuxième partie de la nuit du 16 au 17 septembre.
En revanche, le 18, il prescrit un franchissement en force de la Moselle à exécuter le 19, à nouveau à Nomexy-Châtel, mais cette fois avec les moyens complets du GTV.
En outre, le GTD, qui a rejoint le 18 le gros de la division, reçoit mission de s’engouffrer dans la tête de pont conquise et de poursuivre jusqu’à la rivière suivante, la Mortagne.
Dès le 18 au soir le GTV franchit la Moselle. Le 19 au matin, l’ensemble du GTV élargit la tête de pont au prix de lourds combats pour la conquête des villages de Vaxoncourt, Pallegney et Moriville.
La liaison est prise au nord avec la 79e DI US, qui a passé la Moselle à Charmes.
Des éléments du GTL et du GTR franchissent aussi la Moselle sur les ponts construits dans la nuit par le génie.
Ils vont agrandir et colmater la tête de pont à l’est, face à la direction de Rambervillers.
Le GTD franchit également et pousse hardiment sur la direction nord-est qui lui est fixée par LECLERC : Moriville, Haillainville, Damas-aux-Bois,Saint-Boingt, Vennezey, Giriviller. Vers 14 heures il atteint la Mortagne, à 35 km de la Moselle franchie le matin.
Il force les passages de la Mortagne en trois endroits, à Magnières, Vallois et Moyen, et pousse même une reconnaissance à Vathiménil, sur le cours d’eau parallèle à 8 km, la Meurthe.
Le passage de la Moselle dans la soirée du 18, la nuit du 18 au 19, et la journée du 20, sur des ponts du génie construits dans la nuit et mis en service à l’aube, est un moment difficile. Il donne inévitablement lieu à des encombrements, à des bouchons vulnérables à d’éventuels tirs d’artillerie adverse car, jusqu’au milieu de la journée, la tête de pont manque de profondeur, notamment à l’est, dans la direction de Rambervillers.
Les villages de Pallegney, Zincourt, Hadigny, à 5 et 10 km à l’est de Châtel, sont conquis au prix de durs combats, alors que le GTD fonce dans l’après-midi vers la Mortagne à près de 40 km plein nord.
Au sud, sur la Moselle, Épinal est toujours aux mains des Allemands.
MANTEUFFEL dispose d’une force blindée, les résidus de la 112e brigade assommée à Dompaire, et la 111e brigade, novice mais engagée et ébréchée dans l’attaque sur Châtel le 16 au soir, soit une masse non négligeable de 75 Mark IV et 35 Mark V Panthers.
LECLERC suit donc de près le passage de la Moselle à Châtel et reste longtemps sur la berge à regarder les colonnes de véhicules franchir la rivière. Dans ces moments délicats, le chef aime voir ses hommes; et ceux-ci sont heureux et confiants de constater que le général est au milieu d’eux…
Extrait de : « LECLERC, MARÉCHAL DE FRANCE » général Jean COMPAGNON
13e BATAILLON DU GÉNIE
Châtel-Nomexy, 22 septembre 1944.
C’est là que la Division doit franchir la Moselle et déborder la défense d’Epinal.
Trois coupures parallèles, trois ponts à construire, l’un après l’autre, sur le canal latéral, sur le canal de décharge, sur la Moselle.
L’ennemi borde la rivière. Il est à 200 ou 300 mètres quand le premier pont est entrepris.
Quelques fantassins du «Tchad » se sont infiltrés jusqu’à la rive amie.
Un char s’embosse dans l’axe de la route ; derrière nous un autre protège notre flanc à 150 mètres à droite.
Un lourd et bruyant camion de pontage «Brockway » manœuvre sur le canal en plein jour. « Sale boulot », dit le commandant des chars.
Des rafales de mitrailleuse les saluent sans dommage.
Il n’en sera pas de même quelques heures plus tard, quand l’artillerie se mettra en action.
Le premier obus atteindra le pont, démantelant un chemin de roulement.
Cependant, le premier pont construit, les chars le franchissent, passent à gué le canal de décharge et la Moselle et avancent sur la rive droite avec des éléments d’infanterie.
Le deuxième pont est terminé dans la nuit par le sous-lieutenant Cancel, et une douzaine de brockways, grues, compresseurs et camions-agrès viennent se ranger sur la rive. Les moteurs pétaradent.
La manœuvre pour jeter le troisième pont commence sans tarder : gonflage des flotteurs pneumatiques, pose des lourds platelages, puis des chemins de roulement, dont chacun pèse une tonne.
Les portières s’assemblent. Pas une lumière pour faciliter l’opération.
Caché dans les maisons, derrière les éboulis, l’ennemi fait des victimes.
Un observateur allemand, qu’on dénichera plus tard sous un toit, dirige le feu du canon dès les premières lueurs de l’aube.
A côté du colonel Gravier, le chef de bataillon Delage ne quitte pas le chantier, tant ils sont impatients de faire passer.
Blessé, Delage refusera encore de se faire évacuer et continuera de surveiller le passage.
Un brockway est détruit et le conducteur, blessé. Là-haut, sur la crête, à 400 mètres, un duel s’engage entre les chars et les mitrailleuses ennemies à la lisière du bois… Rafale de 105 bien placée… les balles traçantes bondissent et s’entrecroisent.
Un incident, un camion de manœuvre est immobilisé sur le pont.
Il faut faire sauter les chaînes du portique avec des pétards. Belle cible bientôt criblée d’éclats.
Le conducteur est tué, l’aide, blessé.
Des camarades les remplacent aussitôt. Le camion est évacué sous les rafales.
Un autre le remplace et termine le pont.
La meute des blindés, qui attendait avec impatience l’ouverture du passage, se rue à l’assaut sous les yeux du général Leclerc, qui surveillera longtemps le passage de ses colonnes.
(La 2e DB- Général Leclerc – En France – combats et combattants – 1945)
Pose de mines à Nomexy
par Charles RAABE
Ce 14 octobre mon petit groupe de six Européens — mineurs et piégeurs — est envoyé à la ferme de Mervaville, à 3 km de Domptail.
Nous y arrivons vers 15 heures. Je suis mis au courant de notre mission.
Il s’agit de miner les issues de Glonville tenu par une compagnie du RMT et quelques chars et où s’infiltrent nuitamment les patrouilles ennemies.
Le village s’étale sur une colline. Les hauteurs avoisinantes sont tenues par les Allemands. Les maisons sont éventrées, les entonnoirs nombreux ; les civils ne sont pas tous partis, il y a même encore des femmes et des enfants. Je pense que ces gens on plus encore que l’instinct de conservation, celui de leurs biens. Les animaux de basse-cour errent en liberté mais sont jalousement surveillés.
Ma Jeep après être passée par des endroits invraisemblables arrive au P.C. du capitaine commandant la position.
Le travail se fera le jour. Tant mieux. Tant pis pour les obus…
Je retourne à la ferme de Mervaville et fais embarquer homme et matériel de minage dans le Dodge de ravitaillement de Glonville, qui ne peut faire la liaison que de nuit. Tout se fait dans l’obscurité la plus stricte, déplacement et installation.
Le 15 au matin, le travail commence. Je reconnais les emplacements et place les mineurs. Pendant qu’ils posent leurs mines je commence le relevé. Tout cela appartient aux méthodes classiques de minage et figure dans les instructions et règlements. Cependant jusqu’à la nuit, des 155 chutent périodiquement. Sifflements et explosions sont suivis parfois par le bruit des tuiles éclatant et retombant sur les toits environnants.
L’après-midi, même topo. Nous poursuivons le minage d’un autre secteur.
Hélas, la fin de cette journée est l’une des plus cruelles. Martinez, notre excellent camarade, le meilleur cœur qui soit, fraternel au possible, est tué en plaçant la dernière mine, dans des circonstances qui demeureront à jamais inconnues, personne ne s’étant trouvé à proximité immédiate de l’accident, il s’affairait au pied d’un pommier posant son piège dans les branches et tirant les fils.
J’étais à 250 mètres de là, sur la route, m’apprêtant à l’appeler pour le renvoyer à Mervaville où nous avions laissé nos affaires. Le travail devait se poursuivre le lendemain.
Je n’en ai pas eu le temps. Soudain une explosion survient sur son emplacement. Ce n’est pas le bruit d’un obus. J’ai trop bien compris. On se précipite de toutes parts. Quelle affreuse vision que celle de notre camarade, encore conscient, terrible loque de souffrance, déchiré, étendu sur le dos, mains enlevées, pied haché, tout couvert de sang, mais le visage intact, étonnamment intact, d’une pâleur de linge. Il nous parle, remuant ses affreux moignons qui étaient, quelques instants avant, des bras avec des mains au bout.
D’abord, i! demande qu’on l’achève. Puis — «J’ai vu Dieu. » Pour lui ce sera, sans doute l’espérance suprême, la vision accueillante d’un au-delà qui a la figure de sa foi.
Les brancardiers arrivent. L’ambulance s’en va. Il mourra peu après.
Charles Raabe était sous-officier au 13e bataillon du génie
Extrait de SAP 13
Châtel-Nomexy
EN MARGE : Pose d'un pont à Châtel-sur-Moselle